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Un vibrant hommage a été rendu à Jacques Isnard, notamment au travers d’une évocation de son œuvre et la projection d’un film retraçant plus de trente années d’actions au service de la profession de cet homme exceptionnel au parcours exceptionnel, dont quinze années à la tête de l’UIJH, par Mathieu Chardon, premier vice-président de l’UIHJ, Françoise Andrieux, présidente honoraire de l’UIHJ, Marine Isnard, petite-fille du président Jacques Isnard, et Marc Schmitz, président de l’UIHJ. A cette occasion, le président Schmitz a remis à Marine Isnard la première Médaille d’Or Jacques Isnard qui a été gravée pour cette occasion, en hommage au président Isnard.

 

Discours de Mathieu Chardon, 1er vice-président de l’UIHJ

Lorsque Jacques Isnard se rendait à Paris ces dernières années, je le retrouvais le soir pour dîner, parfois également avec Honoré Aggrey. Ces moments de partage sont à jamais gravés dans ma mémoire. A la fin de l’un de nos derniers dîners, il m’avait remercié de lui avoir tenu compagnie. Je lui avais répondu que c’était moi qui le remerciais du privilège de passer un moment avec lui. Il avait souri. « Merci, mon petit, tu es gentil ».

Il y a un an jour pour jour, Jacques Isnard nous quittait. Un père est parti pour sa famille mais aussi pour ses enfants que nous sommes, nous, les huissiers de justice du monde, et tous ceux qui ont eu la chance de rencontrer Jacques le Bâtisseur. Car c’est ce qu’il était vraiment, un bâtisseur, fédérant autour de lui les vocations et les énergies sans lesquelles l’UIHJ ne serait devenue l’une des plus grandes organisations internationales de juristes.

S’inspirant de son prédécesseur, Baudouin Gielen, dont il saluait régulièrement la mémoire, il a révolutionné l’UIHJ, tant au niveau de ses ambitions et ses objectifs que de ses moyens, tout en s’attachant à préserver son âme, l’esprit de la grande famille des huissiers de justice, l’esprit de l’Union si chère à son cœur. Il ne se passe pas un jour sans qu’un huissier de justice quelque part dans le monde, ou une personne qui a croisé son chemin, ne pense à lui et à son œuvre, et ne salue la mémoire de cet homme exceptionnel et providentiel.

Avec lui, tout était possible. Rien ne lui résistait. Il a accompli l’exploit d’avoir mis en place les structures qui ont permis à ses successeurs, Leo Netten, Françoise Andrieux et Marc Schmitz, de poursuivre son œuvre et de nous permettre aujourd’hui d’être fiers de qui nous sommes et de ce que nous représentons. Sans lui, nous ne serions pas là aujourd’hui. L’homme nous a quitté. Le président est entré dans l’histoire.

 

Discours de Françoise Andrieux, présidente honoraire de l’UIHJ

Parler de Jacques Isnard en deux minutes relève de la gageure ! C’est presque lui faire offense quand on sait combien il savait appuyer son éloquence sur l’art de la rhétorique. Mais pour sacrifier aux exigences de chronos, j’ai choisi de vous parler de lui au travers de quatre qualificatifs.

Un juriste autodidacte. Jacques était d’abord un juriste autodidacte. Il n’avait pas fréquenté les bancs universitaires, mais visiblement les fées de la justice s’étaient penchées sur son berceau. Il était devenu un juriste hors pair par son expérience, sa volonté et son amour du droit. Et peut-être parce qu’elle lui avait défaut, il a consacré sa vie à la formation, pionnier fondateur puis président de l’Ecole nationale de procédure qu’il a ensuite associé à l’UIHJ en développant la formation dans notre profession sur tous les continents.

Un visionnaire. Jacques savait où il fallait aller et comment y aller. Sans cesse en réflexion, il parvenait toujours à montrer le chemin. Il avait créé avec quelques fidèles confrères de la cour d’appel d’Aix-en-Provence dont j’avais l’honneur de faire partie un bulletin de liaison trimestriel appelé « Le parlant à ». Il a toujours participé aux réunions de préparation alors que d’importantes fonctions accaparaient son temps (président de la Chambre nationale des huissiers de justice de France, président de l’UIHJ). Il arrivait avec une jurisprudence à commenter ou une idée à développer et lorsque l’on reprend ces bulletins, vieux de plus de 20 ans, on y trouve des réflexions sur la médiation, la conciliation ou encore sur les dangers de la dérive de la profession vers un statut plus commercial que juridique et on réalise alors que tout ce qu’il avait vu ou pressenti voit le jour petit à petit …

Un leader. Travailler avec Jacques c’était faire partie d’une équipe. Il en était l’âme, le ciment. Il disait : pour former une équipe, il faut des années, pour la détruire, il faut cinq minutes. Mais les équipes qu’il a dirigées ne se sont jamais écroulées. Elles existent encore. Certes, on travaillait beaucoup avec lui, mais les valeurs humaines étaient privilégiées et des liens d’affection et d’amitié indéfectibles se sont créées grâce à lui, avec lui et autour de lui.

Un passionné. Non seulement il avait la passion chevillée au corps mais, chose plus rare, il avait le don de la transmettre. Lorsqu’il a quitté la présidence de l’Union en 2009, il n’a pas quitté l’Union. Durant les années qui ont suivi, nous avons, avec Natalie Fricero, rédigé le Code mondial de l’exécution. De belles journées de travail ponctuée par les intermèdes imposés par son épouse Michèle qui nous préparait à déjeuner et là encore nous refaisions le monde de la justice et de ses environs… Entre deux réunions, le téléphone sonnait : « Bonjour mon Président ». « Bonjour ma fille, j’ai réfléchi, il faut tout revoir, on a oublié ça » et pendant une heure nous refaisions notre copie… Enfin la dernière réunion professionnelle avec lui fut pour la mise en route du code mondial de l’exécution des avoirs digitaux et là encore la passion l’emportait sur son aversion pour les nouvelles technologies… Jacques Isnard c’était cela : un homme essentiel à notre profession, surnommé « le père de l’Afrique », et pour moi un père professionnel.

 

Discours de Marine Isnard, petite-fille de Jacques Isnard et présidente de l’Association pour la promotion de l’œuvre de Maître Jacques Isnard

« Le décès de Jacques Isnard, c’est comme une bibliothèque qui brûle », a écrit un président tchadien, Elysée Eldjimbaye. De tous les messages que ma famille et moi avons reçu du monde entier, il y a un an, celui-ci fait partie de ceux qui m’ont particulièrement marquée. Jacques Isnard, mon grand-père, c’était même plus qu’une bibliothèque. Une des qualités qu’il avait des plus remarquables selon moi, est que, toute sa vie durant, il a été curieux de tout, il a toujours accru son savoir et ses connaissances sur tant de sujets différents.

Passionné par les cultures, les langues, les pays, les populations et leurs traditions, il a eu la chance avec votre Union de parcourir et découvrir le monde. De tous ses voyages, j’ai pu recevoir une multitude de cartes postales et d’objets souvenirs, dont la plupart ont toujours orné notre maison de vacances en Haute-Savoie. Cet endroit, c’était d’ailleurs un peu comme son havre de paix, où il aimait travailler, se reposer, et surtout passer des moments en famille. Ce qu’il appréciait aussi dans ses périples, c’était la découverte des saveurs locales, même si les plats de ma grand-mère Michèle, toujours accompagnés d’un bon verre de vin rouge, restaient ses préférés dans la hiérarchie culinaire mondiale !

Grand collectionneur de timbres, mon grand-père a notamment développé, comme vous le savez, une toute particulière passion pour l’histoire avec un grand H, grâce à son béguin pour la philatélie. Il disait d’ailleurs souvent qu’« au travers des timbres, on apprend l’histoire de France ». Il nourrissait aussi son savoir par son adoration pour la lecture et les vieux livres, auxquels on aimait, ensemble, redonner une seconde vie. Toujours entre les feuilles et le papier, mon papi avait, depuis son plus jeune âge, développé une sensibilité, si ce n’est un véritable talent, pour le dessin et la peinture. Sachez que, si vous avez déjà passé quelques minutes au téléphone avec lui, il vous écoutait d’une oreille, tout en esquissant quelques croquis à l’autre bout du fil.

Curieux de tout, mon grand-père n’a pas été président que de la Chambre nationale des huissiers de justice de France et de l’Union internationale des huissiers de justice. Il a également présidé le club de foot de notre ville, sport qui l’a toujours passionné, et qu’il a pratiqué comme gardien de but, tout comme mon petit frère Romain aujourd’hui.

Salon, justement, cette terre de Provence, qui lui a donné son accent, est toujours restée sa ville, celle où il a grandi, fondé une famille et débuté sa carrière professionnelle. C’est assurément l’intérêt qu’il portait à notre cité qui a inspiré mon père, plus tard, dans son engagement politique. Et s’il y a bien un jour où mon grand-père et moi avons été remplis de fierté, c’est d’ailleurs lorsque mon papa a revêtu l’écharpe de maire, il y a maintenant quelques années.

Mais comme l’a montré Mathieu, la principale passion qui a rythmé le quotidien de mon grand-père, c’était bien sûr sa profession, votre profession, à laquelle il a consacré sa vie. C’est notamment ce qu’il avait voulu partager au travers du musée Hostiarii, anciennement sur Paris. Ces locaux rassemblaient l’ensemble des livres et objets qu’il avait collectionnés pour retracer et enseigner l’histoire de la profession d’huissier de justice.

Depuis mon plus jeune âge, mon papi m’a toujours initié et sensibilisé aux différents domaines juridiques, particulièrement de part ce musée. C’est grâce à lui que j’ai désormais trouvé ma voie, et comme il me l’a dit en rigolant une des dernières fois que l’on s’est vu, quand j’ai préféré le droit à Science-Politique : « Tu ne feras pas comme ton père, tu feras comme ton grand-père ». Certes, mais avant que j’atteigne son niveau de juriste, j’ai encore un long chemin à parcourir !

C’est donc pour cela qu’aujourd’hui, je représente avec fierté et émotion l’Association pour la promotion de l’œuvre de Maître Jacques Isnard qui, dès le 3 décembre prochain, inaugurera la Galerie Jacques Isnard dans les locaux de l’ADEC, sur Montpellier. Avec plusieurs anciens de ses confrères, nous avons choisi de remettre sur pieds l’œuvre historique du droit et de la justice qu’avait créé mon grand-père, ce qui est aussi une belle manière de lui rendre hommage, car je sais à quel point cette exposition comptait pour lui. J’espère qu’elle continuera de compter aussi longtemps que possible, pour les étudiants ou les passionnés en la matière, et c’est avec plaisir que nous vous y accueillerons très bientôt.

Avant de terminer, je tiens bien sûr à vous remercier infiniment pour l’hommage qui lui a été rendu aujourd’hui, vous remercier de m’avoir permis d’être présente, et surtout remercier, en son nom, vous tous qui l’avez aidé, accompagné et qui lui avez permis, pendant sa longue carrière, de mettre en œuvre tous ses projets qui comptaient tant pour lui.

Mon papi m’ayant toujours transmis son attachement et son adoration pour l’Afrique, je conclurai en citant un autre de ses ex-confrères qui écrivait il y a un an : « Un baobab vient de tomber ». En effet, un des baobabs de votre profession s’est éteint, mais c’est aussi mon baobab et celui de ma famille qui s’en est allé, laissant derrière lui des souvenirs inoubliables, à l’image du personnage qu’il était.

 

Discours de Marc Schmitz, président de l’UIHJ

Ma chère Marine,

Aujourd’hui est à la fois un jour triste et un jour heureux. Un jour triste car il y a exactement un an jour pour jour, le plus grand d’entre-nous, ton grand-père, Jacques Isnard, nous quittait, terrassé par cette terrible pandémie qui compte tant de victimes. Un jour triste parce qu’il nous manque tout spécialement aujourd’hui. Un jour heureux car, nous le savons tous, sans lui, sans son œuvre, nous ne serions pas réunis ici à Dubaï. Un jour heureux parce que, nous le savons aussi, où qu’il soit, le président Isnard est aujourd’hui avec nous et il se réjouit de nous voir ici, tous ensemble, unis autour de sa passion, notre profession.

Que de chemin parcouru depuis septembre 1994 où il a pris la tête de l’UIHJ. Que de chemin parcouru depuis septembre 2009 où il a permis que soit confiée la destinée de l’Union à Leo, puis à Françoise, puis à moi, en continuant toujours d’être au service de la profession et à en être le gardien bienveillant et attentif. Que de chemin tu as parcouru, Marine, depuis ces photos émouvantes où l’on te voit enfant puis adolescente. Depuis toujours, Jacques nous confiait combien, au-delà de tout l’amour qu’il te porte, tu l’impressionnais par ta maturité, ton intelligence et ton discernement, et combien tu faisais sa fierté. Tu viens de nous confirmer que les gènes de la famille Isnard t’ont tous été parfaitement transmis et rien ne pourrait nous faire plus plaisir. Tu viens de montrer que, comme ton grand-père, tu choisis de te mettre au service d’une cause, non pas parce qu’elle permet de te mettre en valeur, mais parce qu’elle t’apparaît juste et comme le chemin qu’il te faut suivre. L’Association pour la promotion de l’œuvre de Maître Jacques Isnard dont tu es la présidente et l’inauguration prochaine de la Galerie Jacques Isnard que tu as créée en sont les évidentes démonstrations.

Jacques Isnard était une bibliothèque et un baobab. Il incarnera pour toujours l’esprit et l’âme de l’Union internationale des huissiers de justice. Nous ne l’oublierons jamais. Il continuera à être une source d’inspiration pour nous tous, pour tous les huissiers de justice et pour tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer et encore plus de le côtoyer. C’est pour toutes ces raisons que nous avons décidé à l’occasion du 24e congrès international des huissiers de justice de Dubaï, dédié à la mémoire de Jacques Isnard, de le célébrer en créant la Médaille d’Or Jacques Isnard.

En pensant très fort à lui, à son épouse Michèle, à tes parents et ton frère Romain et à tous vos proches, je suis aujourd’hui très ému, fier et heureux, cher Marine, de te remettre, au nom de l’Union internationale des huissiers de justice et de tous les huissiers de justice du monde, la première Médaille d’Or Jacques Isnard.