Une organisation méthodique
Aucun des pays du Golfe persique n'est à ce jour membre de l'UIHJ. Face à ce constat, le bureau de l'UIHJ a souhaité mener une mission d'exploration et de sensibilisation dans cette région. Une délégation de l'UIHJ, constituée de Leo Netten (président), Bernard Menut (1er vice-président), Mohamed Chérif (trésorier adjoint) et de Fahima Khaldi (Algérie), s'est rendue fin avril 2011 dans les Émirats arabes unis (fédération qui regroupe sept Emirats voisins, à savoir Abou Dabi, Ajman, Charjah, Dubaï, Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn) afin d'y rencontrer les autorités en charge de l'exécution des décisions de justice.
Ce qui frappe immédiatement le visiteur à sa descente d'avion dans l'Emirat de Dubaï c'est l'organisation méthodique qui règne dans cet Emirat, impression qui tranche nettement avec celle que l'on peut ressentir dans nombre de pays. Dubaï paraît avoir réussi l'amalgame des valeurs de la société de consommation avec celle de la tradition arabe, mélange de business et de nonchalance. L'impression se poursuit sur les immenses avenues sur lesquelles s'étend un serpent de véhicules luxueux et rutilants.
Dans les temples climatisés de la consommation (« les mall ») qu'abrite l'Emirat de Dubaï, le consommateur local, asiatique ou occidental, vient faire des emplettes, aveuglé par les spots lumineux, que de nombreuses attractions tentent de retenir dans ces lieux pour dépenser sans compter son argent. Dans cette prospérité apparente, et sans doute pour partie surfaite, les paillettes sont les vitres de ces immenses buildings qui reflètent le soleil ou les lumières artificielles diffusées à profusion la nuit. Euphorique est la vie sur place, insouciants sont les hommes et femmes de ce paradis des temps consuméristes. Sous ce vernis de richesse, la justice veille et ses décisions sont appliquées par des agents d'exécution employés du gouvernement de Dubaï au sein des tribunaux de Dubaï (Dubaï courts).
Un pays ouvert sur le monde
La délégation de l'UIHJ a été reçue, en audience, dans les locaux modernes et particulièrement fonctionnels abritant les tribunaux de Dubaï, par le directeur général des tribunaux de Dubaï, le docteur Ahmed Saeed Bin Hezeem. Ce dernier, entouré d'un nombre important de magistrats et fonctionnaires des tribunaux, salua avec respect la délégation, louant les efforts déployés pour la réalisation de cette visite d'étude. Le président Leo Netten présenta l'UIHJ, ses objectifs et la mission en cours à Dubaï, laquelle s'inscrit dans une stratégie de déploiement des activités de l'UIHJ dans les pays de la péninsule arabique. Il insista sur les différentes missions de l'huissier de justice dans le monde et, soulignant la mondialisation de l'économie, il mit en lumière le besoin de changement des systèmes judiciaires pour répondre aux besoins et au soutien de l'économie. Il rappela que l'huissier de justice est un élément essentiel de l'État de droit et que, malgré des statuts différents, l'objectif de ces professionnels et de l'UIHJ est l'efficacité de la justice. Il termina son intervention pour souligner combien dans un pays ouvert sur le monde comme l'est l'Emirat de Dubaï, les questions d'exécution transfrontalières des décisions de justice sont essentielles.
M. Saeed Bin Hezeem pour sa part insista sur l'intérêt qu'il porte à la connaissance d'autres systèmes d'exécution afin d'effectuer une analyse comparative pour améliorer encore l'efficacité des tribunaux de Dubaï en matière d'exécution. Il considère que l'intégration des Émirats au sein de l'UIHJ sera un facteur important de stimulation pour parvenir à plus d'efficacité.
Le 1er vice-président Bernard Menut souligna combien l'expertise de l'UIHJ pouvait être précieuse pour les Emirats, notamment en matière de législation sur l'exécution des décisions de justice, d'organisation de la profession d'huissier de justice et de son statut. Il a mis en exergue l'interrelation entre une exécution effective et efficace des décisions de justice et l'investissement. Mohamed Chérif faisant référence au modèle algérien d'huissier de justice mis l'accent sur l'intérêt pour les pays arabes de se doter d'agents d'exécution performants et bien formés, sur un modèle indépendant pouvant s'inspirer de l'expérience algérienne.
Une première étape en vue de la participation des Emirats arabes unis à l'UIHJ
Au cours d'une présentation très documentée et magistralement conduite par Dr Yousuf Ali Hmaid Al Suwaidi, directeur de la stratégie et du Département de l'organisation et de la performance des tribunaux de Dubaï, la délégation de l'UIHJ fut impressionnée par l'organisation et la culture du résultat qui règne au sein de ces juridictions. Il n'est pas faux de dire que les tribunaux de Dubaï sont gérés comme une grande entreprise, avec un souci élevé de la « relation client », c'est-à-dire du justiciable, à qui les technologies de l'information les plus avancées sont accessibles pour lui permettre de s'informer de l'état d'avancement de son dossier. La délégation de l'UIHJ a pu ainsi mesurer l'écart important qui existe au profit de l'Emirat par rapport à la réception des justiciables dans certaines juridictions européennes. Un rapport annuel de l'activité, largement diffusé, (anglais et arabe) parachève l'impression de transparence tout en soulignant les points à améliorer.
L'exécution des décisions de justice est assurée au sein de chaque tribunal par un juge dédié à cet effet, lequel utilise l'ensemble des moyens de l'Émirat, et notamment collabore étroitement avec les banques, la police ou les autorités portuaires pour exécuter les décisions de justice. Ce concept facilite évidemment l'efficacité des mesures d'exécution décidées par le juge. Ces dernières ne sont pas fondamentalement différentes de celles que connaissent d'autres pays, les avoirs bancaires, les véhicules, les salaires et la propriété immobilière constituant les cibles habituelles des mesures d'exécution. L'ensemble des procédures d'exécution enregistrées en 2010 au sein des tribunaux de Dubaï représente 15 000 dossiers qui sont traités rapidement, puisque pour la section commerciale, un dossier est exécuté en moyenne en 115 jours selon les données qui nous ont été communiquées. Une table ronde entre les membres de la délégation de l'UIHJ et des juges de l'exécution fut l'occasion de comparer les approches en matière de moyens d'exécution, et d'application des droits des parties.
Enfin, le président Netten signa avec le Dr Saaed Bin Hezeem un « memorandum of understanding » qui lie l'UIHJ et les tribunaux de Dubaï. Il s'agit là de la première étape en vue de la participation effective des Émirats arabes unis à l'UIHJ. Après l'échange traditionnel des cadeaux, les deux parties signataires ont prévu de se retrouver lors du conseil permanent de Paris en Novembre 2011. Cette première visite de l'UIHJ aux Émirats Arabes Unis va sans doute permettre le rapprochement avec d'autres États du golfe persique pour assurer un plus grand rayonnement à l'UIHJ dans la région.