Un modèle d'huissier de justice sur le plan européen
La réunion s'est tenue à Sopot, dans les locaux de la société Currenda. Cette société, dont le Conseil national des huissiers de justice de Pologne (CNHJP) est le gérant, est chargée de l'édition de revues et magazines professionnels (le magazine de l'UIHJ, « UIHJ Magazine », y est imprimé) ainsi que des logiciels, dont certains à l'usage de la profession.
La réforme du 24 mai 2007, entrée en vigueur le 28 décembre 2007, a apporté de nombreuses réformes à la loi du 29 septembre 1997 sur les huissiers de justice et sur l'exécution. Le CNHJP critique cette réforme. La nouvelle loi supprime le principe de territorialité attaché à une juridiction. Nos confrères considèrent que l'indépendance des huissiers de justice est battue en brèche, certains contrôles sur la profession étant désormais assurés par les juges. Egalement, la nouvelle loi a introduit un principe de rémunération sur la base de « no cure no pay » (pas de rémunération sans résultat) qui est jugé inacceptable. En effet, lorsque l'huissier de justice ne parvient pas à exécuter la décision de justice, il ne peut récupérer que ses débours . Une réunion s'est tenue à Paris entre l'UIHJ et les représentants du CNHJP en mars 2008 afin d'organiser une programme permettant à la profession de proposer des réformes pour que la Pologne dispose d'une profession d'huissier de justice qui soit harmonisée sur le plan européen et conforme aux exigences d'une profession indépendante et responsable.
L'UIHJ était représentée par son président, Jacques Isnard, son 1er secrétaire, Mathieu Chardon, également expert au Conseil de l'Europe, ainsi que par Françoise Andrieux, chargée de mission.
Les représentants du CNHJP étaient Gabriel Pietrasik président, Michal Redelbach, Andrejz Kulagowski, vice-présidents, Rafal Fronczek, secrétaire, et Pawel Gintowt, président de la Commission nationale de révision. Etaient également présents Zenon Knypl, ancien juge au tribunal de seconde instance de Gdansk, Grzegorsz Julke, chargé de cours de procédure civile à la Faculté de droit de Gdansk, Jan Treder, président de Currenda, Aleksandra Pelcer, huissier de justice à Sopot et Soraya Barrow-Kozik, assistante de la société Currenda.
Dans son discours de bienvenue, Gabriel Pietrasik a remercié la délégation de l'UIHJ pour sa présence et son soutien. Le président du CNHJP a évoqué l'idée de la création d'un modèle d'huissier de justice qui pourrait être une solution pour tous les huissiers de justice en Europe. « Il ne s'agit pas de le faire appliquer partout mais nous espérons que les pays s'inspirent de ce modèle » a-t-il précisé. « C'est dans ce cadre que nous souhaitons connaître les conditions d'exercice de la profession d'huissier de justice en France ».
Des connaissances approfondies des lois françaises
Les débats ont tourné autour d'une série de thèmes et sous thèmes préparés par le CNHJP et soumis à Françoise Andrieux et Mathieu Chardon. Ils étaient dirigés par Michal Redelbach et recouvraient l'ensemble des aspects de la profession en France :
- L'organisation du système judiciaire
- Le statut de l'huissier de justice
- Les activités des huissiers de justice
- La compétence territoriale des huissiers de justice
- La base légale de l'exécution
- La création et la suppression des études d'huissier de justice
- Le financement de l'activité de l'huissier de justice
- Le contrôle des activités des huissiers de justice
- La responsabilité de l'huissier de justice
- L'organisation professionnelle et l'indépendance des huissiers de justice
- Le système de protection sociale et d'assurance sociale et professionnelle
Les confrères polonais avaient à leur disposition les traductions en polonais de l'ensemble des textes relatifs à la profession d'huissier de justice en France. Soumis à un feu de questions toutes très pertinentes sur des aspects pratiques et théoriques, les experts de l'UIHJ ont ainsi pu apprécier les connaissances approfondies des lois françaises de la part de leurs interlocuteurs. Les débats se sont révélés très enrichissants pour l'ensemble des participants.
Le président Isnard a insisté sur la nécessité pour les huissiers de justice de développer l'axe de la formation. «La formation donne vocation aux huissiers de justice à exercer l'ensemble des activités prévues dans le projet de pluridisciplinarité de l'UIHJ présentées lors du conseil permanent de l'UIHJ en novembre 2006, lequel comporte 16 points » a-t-il indiqué (cf : http://www.uihj.com/rubrique.php?ID=1015931&lg=fr; http://www.uihj.com/rubrique.php?ID=1015931&lg=ang )
No Cure No Pay !
A la fin des débats, une évaluation de la loi polonaise sur les huissiers de justice a été présentée par Jacques Isnard. Il a indiqué qu'il existe une différence de conception sur le statut de l'officier ministériel entre la France et la Pologne. Les explications données par nos confrères polonais indiquent qu'en Pologne l'huissier de justice exerce à titre privé des fonctions qui ressortent d'un service public et qu'elles sont à ce titre soumis au contrôle direct du juge. En France, les huissiers de justice ont un statut d'officier ministériel. Ils sont indépendants et libres tout en étant soumis à une responsabilité civile, pénale et professionnelle permanente. « Ainsi, la critique que l'on peut faire du système polonais est le manque d'indépendance entre les huissiers de justice et les autorités et les magistrats » a déclaré le président de l'UIHJ. Puis de souligner que « la Pologne n'est pas en conformité avec la recommandation (Rec)2003/17 du 9 septembre 2003 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur l'exécution des décisions de justice ». Et d'expliquer: « L'interaction entre le juge et l'huissier de justice n'est pas clairement énoncée. Le système « No cure no pay » n'est pas acceptable. L'huissier de justice n'a qu'une obligation de moyens Il doit tout mettre en œuvre pour exécuter la décision de justice mais il n'a pas à payer les conséquences de l'insolvabilité du débiteur. La recommandation 17 prescrit que l'huissier de justice doit recevoir une juste rémunération pour les activités qu'il mène. La Pologne est un grand pays par la taille, la population et le nombre d'huissiers de justice. Il faut donc envisager de bâtir un statut moderne orienté vers le futur et des perspectives multiples. Il faut soigner la formation et la communication. Pour cela, il faut des moyens financiers et voir ce qu'il est possible de faire au niveau des cotisations. »
Ces deux journées de débats seront suivies d'autres réunions. Un séminaire est déjà programmé des 12 au 16 mai à Wisla (Pologne). Il réunira des représentants de la profession, ainsi que des professeurs de droit et des magistrats, afin de discuter sur les réformes à apporter à la loi sur les huissiers de justice. Une visite d'une délégation polonaise à Marseille (France) a également été décidée pour fin juin. Parallèlement, l'UIHJ va également organiser une visite en Belgique et aux Pays-Bas pour les confrères polonais. Enfin, il a été décidé de se réunir annuellement avec la CNHJP pour discuter de l'évolution du dossier et de l'état de la profession d'huissier de justice en Europe.
