Une table ronde avec les institutions et organisations présentes avait été organisée. Ont participé à cette table ronde Timothy Lemay (CNUDCI), Giuliana Dunham Irving (Banque mondiale), Christophe Bernasconi (Conférence de La Haye de droit international privé), Alexis Ndzuenkeu (Ohada) et Alain Ghozi (Association Henri Capitant). Les travaux ont été présentés par Natalie Fricero, professeure à l'université de Nice (France), membre du Conseil scientifique de l'UIHJ.
Mme Fricero a rappelé que, sous l'impulsion des huissiers de justice et de l'UIHJ, le droit à l'exécution est devenu un droit de l'homme, un droit fondamental reconnu dans tous les pays du monde. Il reste à établir des règles universellement partagées qui concernent cette exécution. Ces règles ont déjà fait l'objet d'une réflexion dans le cadre de l'UIHJ. Un certain nombre de ces principes ont été présentés pendant le congrès international des huissiers de justice de Cape Town en 2012. La crise financière, économique et sociale rend cette réflexion encore plus aiguë, encore plus nécessaire. Le droit à l'exécution effective des contrats et des titres exécutoires est un élément de paix sociale, de sécurité juridique et de développement économique.
« De la même façon que les huissiers de justice avaient rêvé il y a vingt ans d'un droit à l'exécution, aujourd'hui ils rêvent d'un droit de l'exécution mondialement partagé et ils ont raison parce que ce droit va devenir une réalité » a déclaré le professeur Fricero. Toutes les organisations internationales se préoccupent de l'effectivité de l'exécution. Elle a cité Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, qui déclarait le 27 mars 2013, lors de sa présentation du tableau de bord de la justice dans l'Union européenne : « Il est primordial en effet que les décisions de justice soient prévisibles, rendues en temps utile et exécutoires, et c'est pourquoi les réformes des systèmes judiciaires nationaux sont devenues une composante structurelle importante de la stratégie économique de l'Union européenne».
Au niveau du Conseil de l'Europe, les Etats membres ont des obligations positives. Ils doivent mettre en place des agents d'exécution et les protéger, leur donner les moyens pour qu'ils puissent assurer leur mission. Natalie Fricero a ensuite fait référence au 10e rapport Doing Business de la Banque mondiale. Un paragraphe indique que la Croatie a mis en place un système d'huissiers de justice privé pour rendre plus effectives les voies d'exécution. « La présence des huissiers de justice et d'une exécution effective est devenue pour la Banque mondiale un critère de développement économique d'un Etat » a-t-elle remarqué.
Concernant la stratégie du Code mondial, elle a prévu trois niveaux. Le premier niveau consiste à envisager la possibilité de créer un partenariat entre l'UIHJ et les organisations internationales qui créent des instruments internationaux. Mais le droit de l'exécution reste soumis au principe de la territorialité, de la souveraineté des Etats. Néanmoins, dans les instruments internationaux, des principes universellement admis peuvent être intégrés, sans violer la souveraineté des Etats, en posant des principes. Le deuxième niveau de stratégie consiste à intégrer des forums dans lesquels les organisations internationales, comme la Banque mondiale, incitent les Etats, dans leur loi nationale, à mettre en place des standards universellement partagés parce qu'ils sont des facteurs de développement et d'échanges économiques internationaux sécurisés. Le troisième niveau concerne la participation au niveau de chaque Etat. Chaque huissier de justice doit être le relais de ces principes essentiels.
S'agissant de la méthodologie, les continents sont représentés au sein du Conseil scientifique de l'UIHJ qui a travaillé sur le Code mondial de l'exécution. Un certain nombre de principes ont été développés. Les articles qui ont été élaborés seront adressés aux délégations afin de recueillir leurs observations. Puis Natalie Fricero a présenté plusieurs articles à titre d'exemple : principe du droit à l'exécution, définition des titres exécutoires, frais d'exécution, délais d'exécution, recherche d'informations, agents d'exécution, mesures conservatoires, mesures d'exécution, utilisation des nouvelles technologies, etc. « Il faut donc travailler la main dans la main pour avoir des standards universellement partagés, performants et humains » a conclu le professeur Fricero devant un auditoire enthousiasmé.
Puis Leo Netten, président de l'UIHJ, a demandé aux représentants des institutions internationales présentes leurs réactions sur la présentation qu'ils venaient d'entendre et sur le projet de Code mondial de l'exécution. Alain Ghozi (Association Henri Capitant) a accueilli favorablement le principe de standards communs tout en estimant que, pour lui, le terme de code était inapproprié. M. Alexis Nduenkeu (Ohada) a loué le travail accompli sur une matière difficile, « consubstantiellement attachée au caractère de souveraineté de l'Etat ». Du point de vue de l'Ohada, il s'agit d'une discipline qui relève des règles de procédure. Jusqu'ici, l'essentiel des actes uniformes Ohada traite des règles de fond plutôt que des règles de procédure. Mais il n'y a pas d'obstacle frontal à une uniformisation des principes dans le cadre de l'exécution. Par exemple, des principes relatifs à l'exécution donneraient l'occasion d'actualiser la législation sur les immunités d'exécution et les insaisissabilités.
Pour Timothy Lemay (CNUDCI) tout projet de code qui élèverait les standards communs dans la matière est bienvenu. Cela permettrait de faire la promotion d'un meilleur respect de l'Etat de droit. Il a ajouté que les huissiers de justice sont des observateurs au sein de la CNUDCI et qu'ils sont invités à toutes ses manifestations. L'élaboration de standards communs constituerait une contribution souhaitable. Il a proposé à l'UIHJ de venir présenter prochainement les travaux du Code mondial à la CNUDCI. Giuliana Dunham Irving (Banque mondiale) a considéré que la création d'un code ou de standards communs de l'exécution constituerait un gage pour favoriser le développement et rassurer les investisseurs privés. Il s'agit donc d'une initiative très importante.
Christophe Bernasconi (Conférence de La Haye), a indiqué combien il était impressionné par les travaux entrepris. Il a rappelé qu'il avait entendu parler pour la première fois du Code mondial de l'exécution pendant le congrès international des huissiers de justice à Washington en 2006. « Les travaux avancent, se concrétisent et vont sans aucun doute laisser des traces » a-t-il estimé. Pour cela, le dialogue entre l'UIHJ et les institutions est important et doit se poursuivre. Il a également invité l'UIHJ à venir présenter ses travaux à la Conférence de La Haye. « Les travaux en matière de reconnaissance et des jugements en matière civile et commerciale devront s'inspirer des résultats des travaux menés au sein de l'UIHJ » a estimé le secrétaire général de la Conférence de La Haye.
Leo Netten a remercié les intervenants pour leur marque de reconnaissance et les invitations à prendre place au sein des commissions de travail des différentes organisations. Invitée à conclure la table ronde, Natalie Fricero a aussitôt lancé : « Les principes mondiaux de l'exécution forcée : Yes We Can ! ».