L'article 65 du traité sur l'Union européenne dispose que les mesures visant à améliorer et simplifier le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires relèvent du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière.
Le Conseil a adopté le 29 mai 2000 le règlement (CE) n°1348/2000 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Ce règlement était fortement inspiré de la convention de Bruxelles du 26 mai 1997 portant sur le même thème, mais qui n'est jamais entrée en vigueur faute de ratification par l'ensemble des Etats membres.
Conformément à l'article 24 du règlement 1348, un rapport relatif à l'application du règlement, adopté par la Commission européenne le 1er octobre 2004, a donné lieu à l'adoption par le Parlement européen et le Conseil du règlement (CE) n°1393/2007 du 13 novembre 2007.
La signification et la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciales est au cœur des préoccupations du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale (RJE). Lors de la réunion inaugurale du RJE le 4 décembre 2002 à Bruxelles, une table ronde à laquelle avaient participé Leo Netten, 1er vice-président de l'UIHJ et Mathieu Chardon, 1er secrétaire de l'UIHJ, avait pour thème : « L'échange d'expériences sur l'application du règlement 1348/2000 ».
Plusieurs réunions du RJE se sont tenues par la suite pour définir les relations entre le RJE et les professions juridiques et régler les questions relatives à l'ouverture du RJE aux acteurs juridiques : 2 et 13 décembre 2005, 6 juin 2006 et 4 et 5 décembre 2008.
L'UIHJ, ainsi que des représentants des chambres ou ordres nationaux d'huissiers de justice de France, Belgique, Pays-Bas et Hongrie, ont également participé à l'audition organisée par la Commission le 4 février 2005 à Bruxelles et consacrée au rapport de la Commission sur la signification et la notification des actes. A cet égard, l'UIHJ avait remis ses observations. Des observations complémentaires de l'UIHJ avaient également été déposées postérieurement à cette réunion.
C'est dans ce contexte que la Commission européenne a demandé à l'UIHJ d'intervenir sur le thème de l'application pratique des règlements 1348 et 1393. L'UIJH était représentée par son premier secrétaire, Mathieu Chardon.
Ont également participé à la réunion la Chambre nationale des huissiers de justice de Belgique, représentée par son président, Marcel Mignon et Isabelle Bambust, juriste, ainsi que Carlos Calvo, représentant les huissiers de justice luxembourgeois.
La réunion était dirigée par Joao Paulo Simoes de Almeida, secrétaire du RJE.
La réunion a commencé par un tour de table des points de contact qui ont évoqué les nombreux problèmes liés à l'application des règlements. Puis, après avoir remercié le RJE pour son invitation, Mathieu Chardon a présenté le rapport établi par l'UIHJ sur le sujet. Ce rapport comprend quatre parties :
- Généralités
- Difficultés d'application, article par article
- 200 exemples concrets sous forme d'un tableau indiquant le nom des pays de destination, la date d'envoi, la date de réception par l'entité requise, la date de notification, les modalités de la remise et la date de retour
- Recommandations qui avaient été faites par l'UIHJ à l'attention de la Commission européenne en vue de la modification du règlement 1348.
Le compte rendu qui suit fait la synthèse des interventions, regroupées par thèmes.
Généralités
Chacun s'est accordé pour dire que les règlements 1348 et 1393 ont contribué de façon importante à l'amélioration, la simplification et l'accélération de la notification et de la signification des actes dans l'Union européenne.
Sur la conception structurelle du règlement 1348, et nonobstant les modifications apportées dans le règlement 1393, l'UIHJ maintient l'essentiel de ses observations antérieures. Il est indiscutable que les modes de signification et de notification, suivant le degré de certitude qu'ils apportent dans l'information au destinataire, influencent le processus d'éradication de l'exequatur. Or, la question est toujours de savoir pourquoi avoir instauré un régime aussi lourd que celui du régime général de transmission (section 1) pour finalement promouvoir d'autres dispositifs de notification (section 2 et art. 14 et 15) qui en dénaturent sa substance ? Les références au règlement 1348/2000 sont récurrentes dans les autres règlements communautaires :
- Le règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale : article 26
- Règlement (CE) n°805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées : 21e considérant, article 28
- Règlement (CE) n°1896/2006 du parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer : article 27
- Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges : 3e considérant.
En règle générale, les textes communautaires prévoient qu'ils ne portent pas atteinte à l'application des règlements 1348 et 1393. Mais on constate une disparité des régimes applicables à la signification ou de la notification des actes dans le cadre de ces règlements. Le règlement 805/2004 semble jeter les bases dans les articles 13 à 15 des normes minimales que doivent revêtir les significations ou notifications sans toutefois décider d'une quelconque hiérarchie entre ces différentes modes, ni faire référence au droit interne. Le règlement 1896/2006 reprend les mêmes normes minimales mais, à l'inverse du règlement 805/2004, fait expressément référence aux règles du droit national de l'Etat dans lequel la signification ou la notification doit être effectuée (article 13). Le règlement 861/2007, quant à lui, prévoit la notification postale avec accusé de réception comme mode principal de remise et à défaut prévoit l'un des moyens prévus aux articles 13 et 14 du règlement 805/2004 (article 13).
La disparité de ces régimes fait apparaître un manque de cohérence qui semble aller à l'encontre de la nécessité d'améliorer et de simplifier le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires prévue par l'article 65 du traité instituant la Communauté européenne.
Concernant les sites Internet du RJE et de l'Atlas judiciaire européen, M. Joao Paulo Simoes de Almeida, ainsi que l'ensemble des Etats membres, regrettent que les sites ne soient pas à entièrement jour et complets. Le secrétaire du RJE a rappelé que ce travail complexe est tributaire de la participation de chaque Etat membre.
La Finlande estime pour sa part que les entités requises ne sont pas suffisamment formées et ont une méconnaissance générale des règlements.
Champ d'application - Destinataire sans adresse connue (article 1)
Jeroen Nijenhuis (Pays-Bas), regrette que, dans certains cas, en raison de la langue utilisée dans l'acte, il n'est pas possible pour l'entité requise de vérifier si l'acte à notifier entre dans le champ d'application du règlement.
Pour la République tchèque, il arrive très souvent que le destinataire n'ait pas d'adresse connue. Dès lors, le règlement ne s'applique pas. Comment faire pour localiser le destinataire ? Il existe une grande disparité entre les Etats membres. Dans certains pays, il est possible de faire des recherches pour localiser le destinataire alors que dans d'autres pays cela n'est pas possible.
Pour la Slovaquie, le fait que le règlement ne s'applique pas pose des problèmes car il y a des procédures, notamment en matière de protection des enfants, où la présence des parties est indispensable. Selon le point de contact slovaque, il faudrait que les entités requises soient obligées de rechercher le destinataire, mais certains pays semblent opposés à cette démarche. Il suggère aux Etats de fournir des informations que l'on pourrait mettre sur le site de l'Atlas judiciaire européen pour savoir quel type d'accès aux informations existe dans le pays.
Ce point de vue est partagé par l'Allemagne.
La représentante de la Bulgarie acquiesce également. Elle se demande ce qu'il faut faire lorsque l'adresse du destinataire est inconnue et que l'on ne peut pas utiliser le règlement.
Pour l'Allemagne, lorsque l'adresse donnée est insuffisante ou incorrecte, cela demande un travail important aux juridictions. En revanche, lorsque l'adresse du destinataire est inconnue, il n'existe aucun moyen de notifier l'acte.
En Finlande, comme l'explique son point de contact, il existe un registre national de la population. A partir du nom du destinataire, on peut le localiser facilement.
A l'instar de la Slovaquie, Jocelyne Palenne (France), magistrat au Bureau de l'entraide civile et commerciale internationale, propose d'alimenter le site de l'Atlas judiciaire européen avec des informations sur les possibilités d'obtenir des informations sur l'adresse du destinataire. Elle estime pour autant que la charge d'effectuer les recherches pour localiser le destinataire ne doit pas peser sur l'entité requise. En revanche, le règlement ne s'oppose pas à ce que l'entité requise fournisse parallèlement au formulaire de retour, des indications pouvant permettre de localiser le destinataire.
Délai pour signifier (article 7)
La représentante finlandaise se demande quel est le sort d'un acte non notifié dans le délai d'un mois.
Mathieu Chardon indique que lorsque l'entité d'origine indique dans le formulaire d'envoi le délai au-delà duquel la signification ou la notification n'est plus requise (point 6.2. du formulaire), cela pourrait encourager certaines entités requises à laisser passer ce délai.
Refus de réception de l'acte pour défaut de traduction (article 8)
Le représentant de la République tchèque fait valoir que le formulaire annexe II doit être rempli vingt-deux fois par l'entité requise, soit une fois par langue officielle, ce qui est très lourd à gérer.
L'Allemagne fait remarquer que les formulaires de l'annexe II ne sont pas identiques dans toutes les versions.
M. de Almeida répond que le formulaire en ligne est conçu pour n'avoir à être rempli qu'une seule fois et qu'il s'agit dès lors d'un dysfonctionnement qui allait être corrigé.
Pour la représentante finlandaise, il faudrait être autorisé à n'utiliser que le formulaire de l'annexe II dans la langue présumée connue du destinataire. Ce sentiment semble partagé par plusieurs autres pays bien qu'ils reconnaissent que le texte du règlement semble imposer de joindre l'intégralité du formulaire de l'annexe II.
Le représentant des Pays-Bas se demande à partir de quand il faut faire courir le délai d'une semaine pour refuser l'acte. Que doit-on faire lorsque ce délai est dépassé d'un jour, par exemple, le cachet de la poste faisant foi ? Il estime qu'il faudrait pourtant faire une application stricte de l'article 8 et considérer que si le délai n'est pas respecté, l'acte ne peut plus être refusé. Quoi qu'il en soit, indique-t-il, en tant qu'organisation professionnelle, l'Organisation royale des huissiers de justice des Pays-Bas ne peut rien imposer et il convient d'attendre une semaine avant d'envoyer le certificat, sauf en cas d'urgence.
Le Royaume-Uni se déclare défavorable à une notification sans traduction, sauf si l'on est certain que le destinataire connaît la langue utilisée dans l'acte et souhaiterait que les entités requises puissent retourner directement les actes afin de gagner du temps.
Jocelyne Palenne (France) considère qu'il n'appartient pas à l'entité requise de décider d'exiger une traduction préalable.
Le représentant hongrois regrette pour sa part qu'une traduction certifiée ne soit pas obligatoire, lorsqu'une traduction est requise.
Mathieu Chardon se demande si le rôle de l'entité requise est de contrôler la bonne application des délais de l'article 8 en cas de refus tardif de l'acte par le destinataire. Il estime que son rôle est de transmettre les informations reçues aux entités d'origine et qu'il appartient aux juridictions compétentes de juger de la validité du refus de l'acte. Le 1er secrétaire de l'UIHJ expose que le règlement n'indique pas comment le formulaire de refus doit être adressé. La lettre simple semble dès lors possible. Dans ce cas, le destinataire de mauvaise foi peut être incité à ne rien faire, puis attendre la décision de condamnation pour la faire annuler pour défaut de traduction en prétendant avoir envoyé ce formulaire de refus et n'avoir reçu à la suite aucune traduction et donc avoir légitimement pensé que le demandeur n'avait pas donné suite à son action. S'agissant enfin de la traduction des pièces annexes, il s'interroge sur la portée de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 8 mai 2008 (Affaire Weiss Und Partners c/ Grimshaw).
Double date (article 9)
Mathieu Chardon rappelle que l'UIHJ était favorable au maintien de l'article 9 dans sa rédaction du 29 mai 2000. Selon le point 2 de l'article 9 du règlement 1393, le principe de la double date ne concerne que les actes devant être signifiés ou notifiés dans un délai déterminé. Cela créé une difficulté d'application pour les actes qui n'entrent pas dans cette catégorie, comme par exemple le commandement de payer valant saisie immobilière en droit français, lorsque le destinataire n'a pas été trouvé par l'entité requise et qu'il n'existe pas d'adresse dans le pays d'origine. Dans la plupart des pays, il existe des constructions juridiques permettant à la partie demanderesse de poursuivre son action même si le destinataire n'a pas été localisé, à condition de remplir certaines conditions et de respecter un certain formalisme. En France, par exemple, l'huissier de justice doit attester des recherches qu'il a accomplies pour retrouver le destinataire. Il adresse une lettre recommandée et une lettre simple à la dernière adresse connue du destinataire. Cette formalité vaut signification pour le destinataire. Dans d'autres pays, on procède à une mesure de publicité dans les journaux, la mairie, etc. Dans le cas du règlement, celui-ci ne s'appliquant pas quand le destinataire est sans adresse connue, l'huissier de justice français ne peut pas régulariser l'acte, lequel n'est donc pas signifié. Dans le cas de l'acte introductif d'instance, ou d'une décision de justice, la question se règle par le biais de l'article 19 du règlement. Mais dans le cas d'un acte comme un commandement de payer valant saisie immobilière, l'article 19 n'entre pas en ligne de compte et c'est en définitive toute la procédure de saisie immobilière qui risque d'être paralysée.
Attestation de signification ou de notification (article 10)
Pour la République tchèque, ainsi que pour plusieurs autres Etats membres, comme la Finlande, les indications portées sur le formulaire de retour ne sont pas assez précises ou incomplètes.
Master Whitaker, Senior Master de la Royal Courts of Justice (Royaume Uni), déplore l'utilisation de l'écriture manuscrite pour remplir les formulaires, souvent illisible. Il estime qu'il serait opportun que ces derniers soient exclusivement dactylographiés.
Ces remarques sont également partagées par l'UIHJ.
Coût (article 11)
Pour la République tchèque, il est difficile d'obtenir des renseignements sur le coût devant être payé lorsque les services d'un huissier de justice sont utilisés.
Le point de contact allemand estime que ces renseignements devraient figurer sur le site de l'Atlas judiciaire européen, ainsi que les coordonnées bancaires des huissiers de justice permettant de virer la somme nécessaire à la signification.
Sur ce point, Séverine Moussy, nouveau point de contact pour la France, révèle que la Chambre nationale des huissiers de justice de son pays met actuellement en place un lien permettant d'obtenir en ligne les coordonnées bancaires de tous les huissiers de justice français, et que cette opération devrait être finalisée pour la fin de l'année 2009.
Quelques représentants font état de regrettables dépassements de tarifs de la part de quelques professionnels de la signification. Le représentant des Pays-Bas rappelle à titre d'exemple que le coût du service dans son pays est de 65 euros et qu'il n'est pas possible de demander plus.
Notification par la poste (article 14)
L'Allemagne évoque des difficultés liées à l'application de l'article 14, lorsque les documents ne sont pas remplis, ne sont pas remplis correctement, ou ne sont pas signés. Il en résulte alors des incertitudes sur la notification. Il regrette également que l'article 14 ne soit pas suffisamment utilisé car, selon lui, cela contribuerait à simplifier la notification au niveau européen.
Le Senior Master du Royaume-Uni expose qu'il avait été décidé depuis le règlement 1348 de faire signifier les actes par remise aux destinataires par les soins des County Court Bailiffs. Mais ce système s'est avéré inefficace dans la mesure où ces fonctionnaires ne parvenaient que rarement à rencontrer les destinataires. Aujourd'hui, s'agissant des notifications à personnes morales, l'entité requise anglaise fait une recherche préalable pour localiser la société et notifie l'acte par la poste, par lettre simple. Pour les personnes physiques, il est également procédé par voie notification postale. Il reconnaît pourtant que ce système n'offre aucune preuve que le destinataire ait été contacté par la lettre.
En Pologne, lorsque le postier ne trouve pas le destinataire, il laisse un avis de passage dans la boîte aux lettres du destinataire pour l'inviter à retirer sa lettre dans un délai de quinze jours au bureau de poste. Même si le destinataire ne récupère pas le pli, la notification est réputée avoir été faite.
Le représentant autrichien précise que le même système existe dans son pays.
Pour le compte de l'UIHJ, Mathieu Chardon fait remarquer que de nombreux problèmes semblent posés par la notification postale. Il fait valoir que l'Union européenne a pour volonté de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice. Un huissier de justice qui signifie un document est entièrement responsable et apporte ainsi une sécurité juridique qui n'existe pas avec la notification postale, même recommandée. Toutes les enquêtes effectuées par l'UIHJ et le rapport de la Commission au Conseil, au Parlement et au Conseil économique et social (Bruxelles 1.10.2004 Com. 2004 603 final) font état du peu de crédibilité qu'il convient d'apporter à la notification par lettre et tous les praticiens sont d'accords : ce mode de notification entraîne de graves inconvénients lorsqu'il s'agit pour un tribunal de statuer sur la base d'une notification par lettre dont l'accusé de réception ne laisse pas clairement apparaître si le défendeur a été réellement informé de la procédure. Or, le « document de discussion » établi en vue de l'audition du 4 février 2005 indiquait péremptoirement, sans la moindre justification, que la notification par la poste remplit toutes les garanties requises pour le défendeur. En fait ceci est contraire à toutes les réalités lorsqu'on sait :
- qu'il est impossible dans 50 % des cas de savoir quel est l'auteur de la signature de l'accusé de réception
- qu'il est impossible dans une grande proportion de cas d'identifier les écritures, les cachets, les indications, etc.
- que les A/R sont zébrés de rayures, parsemés d'inscriptions, etc.
Le premier secrétaire de l'UIHJ mentionne également les rapports Lex Fori et Mainstrat qui avaient été commandés par la Commission européenne mais dont les conclusions n'ont curieusement pas été suivies sur cette question.
Dans le rapport Lex Fori, sur la preuve du service, la conclusion est la suivante : « Bien que la portée de la preuve soit variable, dans toutes les situations, la présence d'une preuve correctement établie démontrera que le service a été accompli. Distinguer les méthodes de preuve selon leur portée n'est cependant pas sans utilité car, lors d'une contestation de la validité du service, le tribunal considèrera avec une plus grande circonspection le certificat d'envoi d'une lettre simple que le certificat du service signé par le destinataire lui-même. Cela ne signifie pas qu'un certificat du service par remise en mains propres est inattaquable. Ainsi, une contestation pourra porter sur l'authenticité de la signature du destinataire. En effet, certains tiers peuvent usurper l'identité du destinataire ou bien un serveur complaisant peut fermer les yeux sur le fait que seul un tiers est présent et lui demander de signer à la place du destinataire. En France, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas la signature du destinataire de la signification à personne est couverte par la force authentique de l'exploit. C'est seulement au terme d'une procédure en inscription de faux que l'on pourra obtenir l'annulation de l'acte. » Il est indiqué par ailleurs page 32 (version française) : « Le service à personne est le seul moyen de s'assurer avec une certitude totale que le destinataire a été informé. Aucune autre méthode ne permet d'atteindre ce résultat. » Concernant la date du service, la conclusion du rapport est la suivante : « L'étude de la nature certaine, présumée ou fictive de la date montre que certaines méthodes offrent une sécurité totale alors que d'autres sont particulièrement dangereuses. Une hiérarchie se dessine entre les méthodes qui dépend de la nature de la date du service. Si l'on compare cette hiérarchie à celle de la preuve on voit que les méthodes les plus sûres en termes de fixation de la date sont également les méthodes qui offrent les plus grandes garanties probatoires. A cet égard, le service à personne apparaît comme le mode idéal car il bénéficie à la fois d'une grande force probante et d'une date certaine ».
Quant au rapport Mainstrat, il indique page 64 (version anglaise) :
- « La notification postale est déconseillée parce que les avis de réception ne sont généralement pas retournés
- La notification postale créée des incertitudes parce qu'il n'y aucune garantie que la remise ait été faite à la bonne personne
- La notification postale créée des incertitudes s'agissant de la date devant être prise en considération comme preuve de notification (date d'émission pour le demandeur) et date de réception par le destinataire)
- La notification postale devrait être remplacée par la remise personnelle au destinataire par un professionnel juriste. »
Il est ainsi apparu au cours des discussions que de nombreux problèmes résultent de la notification postale. Mais que répondre alors à la décision de l'Angleterre et du Pays-de-Galle de procéder par voie de notification postale non recommandée au lieu de la signification physique réalisée par les County Court Bailiffs ? De fait, de l'avis même du Senior Master britannique, les résultats obtenus par ces fonctionnaires sont largement insuffisants et nécessitaient de prendre des mesures. Mais fallait-il pour autant aller vers un système moins performant alors qu'il en existe d'autres qui pourraient donner toute satisfaction ? L'Angleterre et le Pays-de-Galle pourrait désigner par exemple les professionnels libéraux que sont les High Court enforcement officers comme entités requises, à l'instar de la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. La Royal Courts of Justice serait déchargée d'une tâche qu'elle semble avoir du mal à assumer devant l'augmentation constante du volume d'actes. Les High Court enforcement Officers, quant à eux, paraissent offrir toutes les qualités professionnelles et toutes les compétences requises pour garantir que la signification des actes soit aussi performante dans ce pays qu'en France ou dans les pays du Benelux où -est-il besoin de le rappeler- la règle veut que les actes soient remis physiquement aux destinataires.
D'ailleurs, cette réflexion vaut pour tous les Etats membres de l'Union européenne où il existe des professionnels libéraux de type huissier de justice.
Ajoutons enfin qu'un colloque international est organisé à Sibiu (Roumanie) des 13 au 15 mai 2009 par l'UIHJ, la Chambre nationale des huissiers de justice de Roumanie et la faculté de droit Simon Barnutiu de Sibiu. Ce colloque a pour thème : « L'Europe judiciaire : 10 ans après le Conseil de Tampere ». A cette occasion, l'UIHJ présentera le projet d'acte introductif d'instance européen sur lequel elle travaille depuis plusieurs années et dont la signification doit être réalisée ... par un professionnel juriste compétent, évidemment !