Des bénéfices tangibles pour les citoyens et les entreprises
Le Réseau judiciaire européen (RJE) a été créé en 2001 et porté sur les fonts baptismaux en 2002. Depuis la séance inaugurale, les professions juridiques dont celle d'huissier de justice ont été régulièrement associées à ses travaux. Très rapidement des discussions se sont portées sur la possibilité pour les professions juridiques d'être intégrées en son sein. Après diverses réunions auxquelles ont participé l'UIHJ ainsi que les représentants d'organisations internationales et européennes des autres professions juridiques (notaires, avocats, greffiers, ...), la question n'était plus de savoir si, mais comment. Les démarches se sont concrétisées dans la décision n°568/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009. Depuis le 1er janvier 2011, date d'entrée en vigueur de la décision, sont également membres du RJE, les «ordres professionnels représentant au plan national dans les États membres les professionnels du droit concourant directement à l'application des actes communautaires et des instruments internationaux relatifs à la coopération judiciaire en matière civile et commerciale ». C'est donc un RJE renforcé de quelques 58 nouveaux membres (le RJE en compte désormais 494) qui s'est réuni les 20 et 21 janvier 2011 à Bruxelles. L'UIHJ était présente, en la personne de son premier secrétaire, Mathieu Chardon.
La réunion était présidée par Salla Saastamoinen, chef de l'unité A1 - Coopération judiciaire en matière civile, DG Justice, Commission européenne. Françoise Le Bail, Directeur général, DG justice à la Commission européenne, a accueilli les participants en souhaitant la bienvenue aux nouveaux membres. Mme Le Bail a évoqué les bénéfices tangibles pour les citoyens et les entreprises de ce nouvel apport. Elle a rappelé le rôle du RJE, en indiquant qu'il allait augmenter avec l'adoption de nouveaux instruments. Puis la représentante de la Commission a donné un bref aperçu des travaux en cours et à venir. L'un des axes est de permettre la mise en place de mécanismes pour faciliter l'accès à la justice partout en Europe. « Il faut offrir aux acteurs économiques les outils nécessaires pour profiter des opportunités du marché intérieur », a-t-elle déclaré. A cet égard, les démarches administratives devraient être simplifiées. C'est dans cette optique que l'exequatur doit être supprimé. Le recouvrement des créances transfrontalières doit être facilité et la procédure européenne de saisie bancaire conservatoire sera proposée cette année, a-t-elle annoncé. Il faut aussi permettre aux entreprises de profiter pleinement d'un marché intérieur de 500 millions de personnes, tout comme protéger le consommateur s'agissant des biens qu'il achète dans un autre Etat membre. A cet égard, le RJE fournit une contribution pratique très importante en facilitant la coopération judiciaire entre les Etats membres. Il permet l'accès effectif à la justice ou encore, notamment par le biais du Forum sur la justice, de résoudre les problèmes liés à l'application des règlements européens. Il met des outils à disposition des praticiens du droit et des citoyens avec les services qu'il offre, son site internet ou encore son Atlas judiciaire, autant d'outils très utiles pour les aider dans la gestion des litiges transfrontaliers. « Le RJE accomplit un travail remarquable » a estimé Françoise Le Bail en adressant ses félicitations à ses membres. Le RJE est confronté à des défis importants. Le nouveau cadre permet aux avoués, avocats, notaires, et huissiers de justice au niveau national dans les Etats membres d'être membres du RJE. « Cette collaboration contribuera sans doute à enrichir le travail de ce réseau et à rendre la coopération plus efficace à travers l'Europe. Votre présence aide à renforcer la confiance mutuelle indispensable pour la création de l'espace de justice et d'une culture judiciaire européenne » a conclu Mme Le Bail.
Une certaine conception de l'Europe
Salla Saastamoinen indiqua que l'objet de la réunion de l'après-midi du 20 janvier était d'accueillir la participation des nouvelles professions et de voir concrètement comment cette participation allait bénéficier au RJE. Christoph Sjonz, secrétaire du RJE, a donné des informations factuelles sur le RJE et en a à nouveau précisé l'objet. S'agissant du site du RJE, il a confirmé que, après discussions, il avait été décidé de l'intégrer au portail européen e-Justice. Puis des membres des professions juridiques (avocats, notaires et huissiers de justice) se sont succédé à la tribune pour évoquer la façon dont ils envisageaient la participation de leur profession au sein du RJE et des bénéfices mutuels recherchés.
Evanna Fruithof, du Conseil du Barreau d'Angleterre et du Pays de Galle, a avoué avoir attendu cette intégration depuis longtemps. Elle a indiqué que sa profession voulait contribuer au travail du RJE, au travers de « l'expertise unique » des avocats anglais. « Le RJE permet de mettre en avant les difficultés et les dysfonctionnements éventuels et de proposer des solutions ».
Michel Benichou, du Conseil national des barreaux français, a estimé que l'intégration des avocats constitue pour son organisation une chance de faire connaître encore plus ces outils et ces instruments communautaires aux avocats qui ensuite les utiliseront pour leurs clients. Avec le soutien de la Commission, des formations communes pourront avoir lieu pour avoir une plus parfaite maîtrise encore de ces instruments. Il faudra améliorer ces instruments. « Nous partagerons avec les autres professions notre expérience » a-t-il promis, en émettant des vœux pour une Europe « plus proche des citoyens » afin que chacun puisse avoir la possibilité de régler ses problèmes. « Nous voulons diffuser une certaine conception de l'Europe au travers du RJE » a conclu Michel Benichou.
Markus Buschbaum, de la Chambre des notaires d'Allemagne, a indiqué que l'objectif commun est celui de la coopération. Il a présenté le Réseau notarial européen (ENN), au travers d'un film très efficace réalisé par cette organisation et visible sur le site de l'ENN ou sur YouTube (voir colonne de droite).
Puis Geoffroy Stas de Richelle, représentant du Conseil international du notariat belge a évoqué l'échange d'expérience et d'informations relatives à l'application des instruments et l'élaboration de fiches. Il a indiqué que les notaires sont confrontés à des problèmes transfrontaliers de plus en plus fréquemment. A cet égard, «le citoyen européen est confronté à des droits différents et doit pouvoir accéder à des informations fiables ».
Mikael Berglund, du Swedish enforcement Authority, a présenté le service de l'exécution qu'il représente en indiquant toute l'importance de l'exécution des décisions de justice et l'intérêt pour le RJE de bénéficier de l'expertise de ces professionnels.
Maria Rosa Blanch Domeque, point de contact espagnol a évoqué sa profession de Secretarios Judicial. Elle a en particulier annoncé la création d'un réseau de Secretarios Judicial spécialisé en matière internationale, le RESEJ.
Ne pas s'arrêter en si bon chemin
Mathieu Chardon a expliqué qu'à l'examen de l'histoire du RJE, l'intégration des professions juridiques semblait inéluctable. Il a donc félicité au nom de l'UIHJ la Commission européenne et le RJE pour cette avancée significative pour le réseau, les professions juridiques, la justice et les citoyens. Pour autant, il a indiqué qu'il ne fallait pas s'arrêter en si bon chemin et qu'il fallait maintenant offrir la possibilités aux organisations internationales représentant les professions d'être à leur tour intégrées, d'une façon ou d'une autre, pour permettre une optimisation de la coopération entre les professions et le RJE. A titre d'exemple, le 1er secrétaire de l'UIHJ a évoqué les travaux du groupe de travail de la CEPEJ (CEPEJ-GT-EXE) qui, en 2009, avec la coopération de l'UIHJ, a établi les Lignes directrices sur l'exécution, adoptées à l'unanimité le 17 décembre 2009 par le Comité des ministres du conseil de l'Europe. Grâce à cette étroite collaboration, a indiqué Mathieu Chardon, il a été créé un instrument remarquable qui emporte l'adhésion de l'ensemble des professionnels de l'exécution sur le plan mondial, faisant de cet outil la base des standards européens, voire mondiaux, de la profession d'huissier de justice et des mesures d'exécution.
Mme Saastamoinen a remercié le 1er secrétaire de l'UIHJ et a indiqué que cette question allait faire l'objet d'une discussion au sein du RJE. Intervenant à son tour, notre confrère Patrick Safar (France), point de contact au RJE de la Chambre nationale des huissiers de justice de France (CNHJ), a indiqué qu'il approuvait pleinement la proposition de l'UIHJ. Puis il a présenté les grandes lignes du grand projet européen Exécution judiciaire en Europe (EJE) piloté par la CNHJ, sous l'égide de l'UIHJ, et qui réunit des organisations professionnelles d'huissiers de justice de neuf pays membres de l'Union européenne et de l'UIHJ.