La délégation de la CEPEJ et les représentants de l’Ordre national des huissiers de justice du Maroc, à Agadir
Renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional
Dans le cadre de cette mission, pour la première fois, l'Ordre national des huissiers de justice du Maroc a reçu une délégation du Conseil de l'Europe.
Le programme «
Renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional », dit «
Programme Sud », vise à accompagner le processus de réforme politique et démocratique dans les pays de la région du Sud de la Méditerranée conformément aux normes européennes et internationales. Les activités du programme s'adressent aujourd'hui au Maroc et à la Tunisie mais sont amenées à s'étendre à d'autres pays.
Lancé en janvier 2012, ce Programme de trois ans- vise à renforcer le processus de réforme politique et démocratique dans les pays du sud de la Méditerranée en adoptant une approche ciblée et axée sur la demande. Le Programme poursuit quatre objectifs spécifiques:
1. Renforcer l'efficacité et l'indépendance du système judiciaire en améliorant les performances des tribunaux et en facilitant la réforme judiciaire, en prenant comme référence les normes pertinentes du Conseil de l'Europe.
2. Promouvoir une bonne gouvernance grâce à une plus grande prévention de la corruption et du blanchiment d'argent, en s'appuyant sur les normes, les mécanismes et les instruments pertinents de l'Organisation, et améliorer le cadre principal de la coopération régionale.
3. Renforcer et protéger les droits de l'homme, en particulier grâce à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains conformément aux dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et d'autres instruments internationaux.
4. Promouvoir les valeurs démocratiques dans la région, en s'appuyant sur les réseaux existants du Conseil de l'Europe, comme ceux développés par le Centre Nord-Sud, la Direction de la Jeunesse, le Groupe Pompidou, la Commission de Venise, les Ecoles d'études politiques et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
En ce qui concerne la réforme de la justice, de manière générale, le Programme Sud a pour but de renforcer l'indépendance et l'efficacité de la justice à travers le développement du cadre normatif, l'amélioration de la performance des tribunaux et la facilitation du processus de réforme de la justice à la lumière des normes du Conseil de l'Europe. Le travail de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) s'inscrit dans la composante 1 du projet : réforme du système judiciaire.
Sur la base d'une analyse détaillée de l'efficacité de la justice, cette composante vise à soutenir les pays de la région dans leurs efforts de réforme judiciaire et, plus spécifiquement, à renforcer l'indépendance et l'efficacité du système judiciaire en améliorant les performances des tribunaux. Il est attendu que le cadre législatif soit adapté et que sa mise en œuvre se poursuive ; et que les lois relatives au système judiciaire soient améliorées en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et internationales.
Les activités initiales comprendront notamment:
- une évaluation de l'efficacité d'un échantillon de tribunaux de première instance compétents pour les affaires civiles ;
- l'élargissement de l'évaluation de l'efficacité des tribunaux à des juridictions civiles et pénales ;
- l'élaboration d'un programme de travail pour la réforme du système judiciaire ;
- la présentation aux autorités d'une expertise juridique sur le cadre juridique du système judiciaire ;
- l'évaluation des programmes d'enseignement des écoles de la magistrature
- l'organisation de stages de formation spécialisée sur les normes européennes et internationales ;
- la participation des bénéficiaires aux activités de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) ;
- la formulation de recommandations relatives à l'organisation régionale du pouvoir judiciaire.
(Source : Conseil de l'Europe).
Pour plus d'information :
http://south-programme-eu.coe.int/default_FR.asp
Rencontre avec les acteurs de la vie judiciaire marocaine
Ainsi, la CEPEJ a pour mission d'établir un diagnostic détaillé du système judiciaire marocain en utilisant la méthodologie employée dans les 47 Etats Membres du Conseil de l'Europe. A ce jour, une visite, effectuée en juin 2012, a permis à la CEPEJ de collecter les informations clés et des indicateurs qualitatifs et quantitatifs du système judiciaire marocain. A la lumière des informations recueillies, les experts de la CEPEJ ont rédigé un premier rapport et des recommandations relatives à la suite des travaux (CEPEJ(2012)7).
Une deuxième visite d'experts de la CEPEJ s'est rendue au Maroc des 29 octobre au 1er novembre 2012, à Rabat, Casablanca et Agadir. La mission avait pour but de rencontrer de nouveaux acteurs de la vie judiciaire marocaine et de recueillir des informations supplémentaires sur le système judiciaire.
La délégation CEPEJ était composée de :
• Joao Arsenio de Oliveira, directeur de services à la Direction générale de la politique de justice, ministère de la justice du Portugal, membre de la CEPEJ au titre du Portugal et membre du groupe de travail qualité de la CEPEJ ;
• Clementina Barbaro, chef d'unité au sein du secrétariat de la CEPEJ ;
• Luc Briand, magistrat, adjoint au chef du Bureau de l'expertise et des questions institutionnelles, Service des affaires européennes et internationales, ministère de la justice, correspondant national au titre de la France pour la CEPEJ ;
• Jacques Bühler, docteur en droit, secrétaire général suppléant, délégué de la Suisse au sein de la CEPEJ, président du groupe SATURN - délais judiciaires de la CEPEJ ;
• et Mathieu Chardon, huissier de justice (France), 1er secrétaire de l'Union internationale des huissiers de justice.
Aux termes d'une visite de cinq jours parfaitement organisée, les experts ont pu rencontrer la plupart de ces acteurs de la vie judiciaire marocaine. Pas moins de seize réunions se sont ainsi enchaînées, au pas de course, à Rabat, Casablanca et Agadir. La délégation a ainsi rencontré :
- Le ministère de la justice et des libertés
- L'Organisation marocaine des droits humains
- La délégation de l'Union européenne
- L'Institut supérieur de la magistrature
- La Haute instance du dialogue national pour la réforme de la justice
- La Banque mondiale
- Le Club des magistrats
- L'Amicale des fonctionnaires du ministère de la justice
- l'American Bar Association
- L'Association marocaine des femmes juges
- Le Syndicat démocratique de la justice
- Le tribunal de première instance de Casablanca
- L'Amicale hassanienne des juges
- L'Ordre national des huissiers de justice du Maroc
- Le barreau d'Agadir
- Le tribunal administratif d'Agadir
La délégation a reçu partout un excellent accueil Les rencontres ont été extrêmement ouvertes.
Une profonde réforme de la justice est en cours au Maroc. Cette réforme est au cœur de l'actualité marocaine. Son initiative, une première, est unanimement saluée par tous. Elle est qualifiée d'historique et de sans précédent, même si certains critiquent sa mise en œuvre.
Améliorer la signification des actes
La notification des actes est considérée comme l'une des causes de la lenteur et de l'inefficacité du système actuel. C'est la raison pour laquelle la CEPEJ a demandé à l'UIHJ l'expertise de son premier secrétaire, Mathieu Chardon.
Les personnes interrogées ont fait part de leurs griefs concernant la notification des actes et en particulier des actes introductifs d'instance.
Selon le Code de procédure civile, la convocation à l'audience est faite à la demande du greffe, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par les soins d'un huissier de justice. La lettre recommandée est jugée inefficace et reviennent la plupart du temps sans avoir pu contacter le destinataire.
L'un des problèmes majeurs évoqué est la difficulté de signifier l'acte au destinataire. Souvent le destinataire se cache pour éviter de recevoir le document. Parfois, c'est le demandeur qui donne une fausse adresse afin d'obtenir plus facilement une décision de justice. Lorsque le destinataire n'a pu être rencontré, il est fait appel à un système de signification par l'intermédiaire d'un « curateur », dont l'action est jugée unanimement inefficace. Un autre problème est celui du coût de 30 dirhams (environ 3 euros) alloué à l'huissier de justice pour la signification.
La réunion avec l'Ordre national des huissiers de justice du Maroc (ONHJ) a permis de mettre l'accent sur les problèmes existants. La réunion s'est déroulée le 1er novembre 2012 à Agadir, au siège de son conseil régional. Une dizaine de confrères marocains, certains en robe pour l'occasion, ont réservé le meilleur accueil à la délégation de la CEPEJ. Le président de l'ONHJ, Redouanne Benhammou, a indiqué que c'était un grand honneur pour son organisation de recevoir la visite d'une institution aussi importante que le Conseil de l'Europe et que cette visite constituait une première. Abdelaziz Fouganni, ancien président de l'ONHJ et son actuel 1er vice-président, en charge des aspects internationaux, a répondu sans détour à toutes les questions de la délégation. Il a confirmé que le problème principal lié à la notification était double. D'une part, la localisation des destinataires des actes est problématique. D'autre part, la somme de 30 dirhams (environ 3 euros) allouée aux huissiers de justice est totalement insuffisante pour permettre un travail sérieux. Il a été estimé par l'ONHJ que, compte-tenu du niveau de vie au Maroc, une somme d'au moins 100 dirhams (environ 10 euros) était indispensable pour assurer un service de qualité.
Mais les revendications d'ordre pécuniaire de l'ONHJ sont mineures par rapport à la vision globale de la mission qu'ils revendiquent dans le cadre de la notification.
Le porte-parole de l'ONHJ, Abdelaziz Fouganni, a indiqué à la surprise - agréable - de délégation de la CEPEJ qu'il considérait les Lignes directrices de la CEPEJ sur l'exécution et la profession d'huissier de justice adoptées le 17 décembre 2009 par le Comité des ministres des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe comme un modèle pour le Maroc. « Ce document est extraordinaire. Il contient tout et il est véritablement universel. Il peut s'appliquer en Europe mais il peut aussi s'appliquer au Maroc et partout dans le monde » a-t-il déclaré. Il a poursuivi en indiquant qu'il avait traduit ce document en arabe.
S'agissant de la signification des actes, Mathieu Chardon a rappelé qu'à l'occasion du colloque organisé par l'UIHJ à Sibiu (Roumanie) en 2009 à l'occasion du 10e anniversaire du sommet européen de Tampere, l'UIHJ avait rédigé un projet de directive européenne d'acte introductif d'instance harmonisé. Ce projet ainsi qu'un rapport sur la signification en Europe avait été publié par l'UIHJ dans sa revue scientifique « Juris-Union n° 3 » (septembre 2009) sous le titre « L'introduction de l'instance : maillon faible de l'espace judiciaire européen ». M. Fouganni a considéré que les propositions de l'UIHJ pouvaient s'appliquer au Maroc.
Un rapport est en cours de rédaction par les experts de la CEPEJ pour fin novembre 2012. Il contiendra des recommandations qui seront prises en compte pour la suite du Programme Sud.
L'UIHJ suivra avec le plus grand intérêt l'évolution de la réforme judiciaire au Maroc.