L'UIHJ est membre observateur permanent de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice du Conseil de l'Europe (CEPEJ). Elle participe aux réunions plénières qui se tiennent deux fois par an. Pour la première fois, l'UIHJ a été invitée à participer à une réunion de son groupe de travail sur la gestion du temps judiciaire (CEPEJ-Centre SATURN) et elle intègre donc ce groupe. L'exécution des décisions de justice et la durée de celles-ci y ont été discutées. L'UIHJ était représentée à cette réunion par son premier vice-président Bernard Menut.
Le Groupe de Pilotage du centre SATURN pour la gestion du temps judiciaire s'est réuni à Strasbourg les 10 et 11 avril 2014. Le groupe a examiné les commentaires et exemples de lignes directrices sur la gestion du temps judiciaires ainsi que la définition d'objectifs en matière de délais judiciaires. Les délais d'exécution des décisions de justice, même s'ils s'inscrivent après le prononcé de la décision du juge, ont un impact sur la notion de « délai raisonnable » maintes fois soulignée par la Cour Européenne des droits de l'homme (CEDH).
Le centre SATURN a été créé en 2007 pour collecter les informations nécessaires à une connaissance des délais des procédures judiciaires dans les Etats membres du Conseil de l'Europe (à ce jour 47 pays). Il s'agit d'un instrument qui permet d'identifier les dépassements du délai raisonnable et de mieux lutter par des mesures appropriées à l'allongement des délais judiciaires.
Le centre SATURN est un observatoire européen des délais judiciaires qui fournit des outils aux Etats membres pour connaître et analyser les délais en usage dans leurs pays respectifs. Le centre s'appuie sur un réseau de tribunaux référents et définit des méthodes de mesure et des indicateurs du temps judiciaire. Grâce à des lignes directrices (lien : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CEPEJ%282008%298Rev&Language=lanFrench&Ver=original&BackColorInternet=eff2fa&BackColorIntranet=eff2fa&BackColorLogged=c1cbe6 ), le centre SATURN œuvre pour une réduction de la durée des procédures judiciaires. Les bonnes pratiques qui résultent de leur application sont mises en valeur et partagées entre les juridictions pour les étendre. C'est ainsi qu'un document très détaillé commentant certains exemples d'application des lignes directrices a été présenté lors de cette session par le chercheur Marco Fabri de l'IRSIG (Italie).
La réunion s'est tenue en présence de John Stacey, président de la CEPEJ, et de Stéphane Leyenberger, secrétaire de la CEPEJ. Elle était présidée par Jacques Bühler, magistrat au Tribunal fédéral suisse. Plus de vingt participants étaient présents : les membres du groupe de pilotage du Centre SATURN, les experts scientifiques, les invités dans le cadre des programmes financés par l'Union européenne au Maroc et en Jordanie, ainsi que les observateurs, à savoir l'Union européenne des Rechtspfleger et l'UIHJ.
L'ordre du jour concernait les travaux en cours au sein du centre :
- Suivi du rapport EUGMONT et analyse des réponses 2011 des tribunaux pilotes
- Lignes directrices SATURN sur la gestion du temps judiciaire
- Définition d'objectifs en matière de délais judiciaires
- Jurisprudence récente de la CEDH quant au critère du délai raisonnable
- Statistiques de la CEDH
- Amélioration continue des données collectées
- Indicateurs mesurant la qualité de la justice (en lien avec le groupe de travail CEPEJ-GT-QUAL)
- Opportunité de la mise à jour de la recommandation R(86)12 relative à certaines mesures visant à prévenir et réduire la surcharge de travail des tribunaux
- Promotion et diffusion des outils SATURN de gestion des délais judiciaires
- Programme de coaching mis en œuvre dans certains pays (Malte/Pologne/Italie/Albanie/Maroc/Turquie)
- Site internet CEPEJ pages SATURN
- Publication du second rapport « Velicogna »
Les lignes directrices SATURN sur la gestion du temps judiciaire ont été dotées d'instruments de mesure sous forme de tableau au format Excel, directement utilisables par les juridictions. Cette technique simple permet aux juridictions de transmettre l'information plus rapidement afin qu'elle soit analysée. De plus, ces outils permettent une comparaison des données par année au sein d'une même juridiction. Les mesures ne prennent toutefois pas en compte toutes les typologies d'affaires ce qui en limite encore la portée. Des indicateurs désormais stabilisés permettent une comparaison des performances de la juridiction et de ses acteurs, notamment en ce qui concerne le taux d'évacuation des affaires, le taux d'efficacité qui mesure l'activité par rapport au nombre de personnel de la juridiction, ou encore le nombre d'affaires par juge.
Le suivi du rapport EUGMONT (monitoring du temps judiciaire dans des juridictions pilotes) et l'analyse des réponses pour l'année 2011 ont montré l'importante distorsion qui existe dans les résultats obtenus et relatifs à un même type de contentieux. Ces derniers ne sont pas en lien direct avec les activités des agents d'exécution mais concernent plutôt les activités pénales, ou les divorces.
La définition d'objectifs en matière de délais judiciaires apparaît comme une solution pour la maîtrise de ceux-ci. Dans un excellent rapport présenté par Marco Fabri, il apparaît que la mise en place d'un outil inter-organisationnel concernant les délais par procédures est une étape fondamentale pour commencer à mesurer et à comparer la performance au sein des juridictions de même typologie. Mais cette performance n'est pas le résultat d'une seule profession, car tant les juges, le personnel administratif des juridictions, les avocats, les témoins, les procureurs, la police et les auxiliaires de justice ont tous une part de responsabilité dans la maîtrise des délais de procédure. C'est donc un travail d'équipe qui doit être entrepris avec des objectifs équitables et atteignables. Selon l'UIHJ, une telle démarche est parfaitement transposable aux procédures d'exécution même si elle ne concerne pas les mêmes acteurs. En effet, il est tout à fait étonnant de constater qu'une même procédure d'exécution présente une durée très disparate d'un pays à l'autre, soit parce que la législation y est plus restrictive ou contraignante, soit parce que les agents d'exécution ne bénéficient pas de moyens modernes et adaptés.
Les statistiques de la CEDH en matière de durée des procédures dans les affaires civil et criminelles (art. 6-1) montre qu'un tiers environ des affaires sont déclarées irrecevables par la Cour pendant que les deux autres tiers sont traités par la juridiction. Cette dernière fait face depuis de nombreuses années à des difficultés importantes et son taux d'évacuation des affaires est encore faible au regard du nombre des affaires pendantes. C'est pourquoi il importe qu'en amont, un travail important soit fait pour réduire les délais de traitement dans les pays concernés et donc par là même le nombre de saisines de la Cour. Il est à noter que la violation de l'article 6-1 par les pays évolue à la baisse d'une année sur l'autre, ce qui est encourageant. Parmi les pays les plus sanctionnés, nous trouvons la Bosnie Herzégovine, la Russie, la Serbie et l'Ukraine.
L'opportunité de la mise à jour de la recommandation R(86)12 qui concerne les mesures préventives et de nature à réduire la charge de travail dans les juridictions a été évoquée. Cette recommandation du 16 septembre 1986 a manifestement besoin d'être toilettée, puisque la nature des activités et la charge de travail dans les juridictions a notablement évolué. De nombreuses tâches non judiciaires sont venues s'ajouter au travail des juridictions et en particulier des juges. Une des idées avancées serait de confier aux greffiers tout ou partie de ces activités afin que le juge puisse se consacrer pleinement à sa fonction, celle de juger, permettant ainsi une réduction des délais judiciaires pour le rendu et la délivrance des décisions de justice.
Le groupe SATURN a pour objectif d'améliorer la collecte des données qui lui sont transmises par les juridictions. Pour cela un effort de pédagogie s'impose, mais également de rationalisation. En effet les juridictions sont de plus en plus sollicitées pour fournir des données, parfois redondantes, et le temps consacré à répondre à ces données n'est pas toujours compensé. La bonne volonté des acteurs du secteur judiciaire ne suffit pas toujours. Ces difficultés sont également celles auxquelles se heurte l'UIHJ dans sa collecte d'information sur l'exécution dans les différents pays.
Le groupe SATURN s'est lancé dans un très intéressant et prometteur programme de coaching de certaines juridictions dans les pays suivants : Albanie, Italie, Malte, Maroc, Pologne et Turquie. Cette technique présente l'avantage d'aller au plus près de la juridiction afin de la motiver d'utiliser les outils mis à disposition par le Groupe SATURN. Le programme paraît donner de bons résultats et son extension est envisagée mais elle demeure freinée par des limites budgétaires. Là encore, la technique utilisée par le groupe SATURN pourrait être utilisée dans le domaine de l'exécution, même si cette question n'est pas à l'ordre du jour des travaux du groupe.