Un événement exceptionnel
Organe suprême de l'Union devant le conseil permanent et le bureau, le congrès international de l'UIHJ est constitué de tous les huissiers de justice dépendant des chambres nationales ou associations représentant la profession. Ses résolutions sont obligatoires. C'est dans ce cadre que L'UIHJ organise son congrès international tous les trois ans, à tour de rôle sur un continent différent. C'était la première fois depuis 1952, date du premier congrès de l'UIHJ à Annecy, que cette manifestation devait se dérouler à nouveau sur le sol français. A juste titre, c'est Marseille - deuxième ville de France et fief du président de l'UIHJ, Jacques Isnard - qui a été choisie pour accueillir l'organe suprême de l'UIHJ. L'événement était d'autant plus exceptionnel que Jacques Isnard devait mettre un terme à quinze années d'une présidence incontestée à la tête de l'UIHJ, pour cause de retraite amplement méritée. L'événement était également exceptionnel par l'ampleur et la valeur des travaux présentés. Il s'agissait ni plus ni moins de déterminer la place de l'huissier de justice dans le droit, dans l'Etat, dans le monde. Quarante-trois intervenants - huissiers de justice, professeurs de droit de renommée internationale, et experts internationaux venus de vingt-six pays de quatre continents, se sont succédé à la tribune. Chacun s'est accordé pour reconnaître la très haute qualité des débats et l'excellence de l'organisation.
Dans le grand auditorium du palais des congrès de Marseille, l'heure est venue. Celle d'ouvrir solennellement le 20e congrès international de l'UIHJ. A tout seigneur, tout honneur. Avec sa verve légendaire, Jean-Claude Gaudin, sénateur maire de Marseille, a ouvert la cérémonie. Il a commencé par remercier les hauts magistrats, dont Vincent Lamanda, 1er président de la Cour de cassation de France, qui ont honoré de leur présence la manifestation. Il a également remercié les magistrats et procureurs locaux pour l'aide qu'ils ont apportée à la ville dans la gestion des difficultés souvent dramatiques qu'elle a rencontrées cet été (effondrement de l'estrade de Madonna au Stade Vélodrome et incendies notamment). Il se réjouit de l'honneur que connaît Marseille à être la capitale mondiale des huissiers de justice en 2009 avant d'être la capitale mondiale de la culture en 2013, Marseille deuxième ville de France, ville d'ouverture à l'étranger et de générosité. Et de citer Blaise Cendrars : « Marseille appartient à ceux qui viennent du large ». Il a salué le rôle fondamental de l'huissier de justice dans l'Etat de droit fondamental pour les justiciables.
Guy Duvelleroy, président de la Chambre nationale des huissiers de justice de France, a dit la fierté qu'a la France d'accueillir le monde entier à Marseille. La justice est l'un des enjeux fondamentaux du 21e siècle et nécessite la cohésion des professions du droit, qui doit se faire autour de trois axes : la modernisation des professions, la dématérialisation contrôlée des procédures, l'adaptation concurrentielle. Ce congrès est exceptionnel à divers titres. Le nombre de participants, avoisinant le millier, mais également l'audace de ses travaux, en particuliers sur la classification des biens, et la fin de mandat du président Jacques Isnard, qui a été un visionnaire. « Le président Isnard a été, durant quinze années, avec passion et détermination, un ambassadeur du droit dans le monde, un représentant de la liberté, un moteur de proposition dans la conviction et l'efficacité ». Puis, le président français a indiqué que, même dans une période de crise, l'huissier de justice peut apporter une réelle plus value pour les citoyens et l'Etat de droit tout en trouvant des sources d'activités à valeur ajoutée s'il est un professionnel à statut indépendant. Avant de conclure, le président Duvelleroy a remercié les organisateurs de ce congrès, « équipe petite par son nombre mais grande par son efficacité », son rapporteur général, Françoise Andrieux, ainsi que René Duperray, secrétaire général de l'UIHJ et Luisa Lozano, secrétaire de l'UIHJ.
A sa suite, Pascale Fombeur, directrice des Affaires civiles et du sceau (ministère de la justice de France), rappelle que l'huissier de justice est l'autorité tiers reconnue qui évite la justice privée. En amont, il garantit le respect du contradictoire par l'information des parties ; en aval il garantit le droit à l'exécution d'une décision, corollaire du droit au procès équitable. D'où la mission essentielle confiée par l'Etat aux huissiers de justice, dont certains sont agents de l'Etat, d'autres professionnels libéraux. Défendant la signification par huissier de justice, notamment par voie électronique, Mme Fombeur salue la qualité du travail de la Chambre nationale des huissiers de justice de France et de l'Union internationale en liaison avec la Chancellerie, et encourage l'ambition et la prospective de l'Union en Europe et dans le monde entier.
Une grande profession de l'exécution
Le Président Jacques Isnard a dit l'honneur qu'a l'UIHJ à être accueillie en France. Il s'agit d'un retour aux sources, l'Union ayant été fondée lors du congrès d'Annecy en 1952 à l'initiative du président Jean Soulard. Il a remercié la chambre nationale des huissiers de justice de France : « La rue de Douai est la maison de tous les huissiers de justice du monde ». Il a salué l'importance de la délégation grecque (n'oublions pas que Marseille fut fondée par des Grecs de Phocée vers 600 avant J.-C.) et de la délégation camerounaise. L'exécution spontanée étant illusoire, l'huissier de justice est l'incontournable pivot de l'Etat de droit autour de trois piliers : juge, avocat, huissier de justice. Mais sous quel statut ? Jusqu'en 1990, peu d'Etats étaient concernés. Puis, une conjonction d'événements majeurs est intervenue :
- politiques (chute du mur de Berlin, effondrement du bloc soviétique)
- économiques (marché unique européen, convention de la Haye en 1992, traité OHADA en 1993)
-judiciaires : prémices de projets communautaires.
Grâce à la perspicacité de Baudouin Gielen, président belge de l'Union internationale, le congrès de Varsovie en 1994 a décidé d'étendre le statut libéral. A partir de 1996, le statut de l'huissier de justice libéral indépendant et privé calqué sur le statut français se développe. A présent, tous les continents ont adopté ce statut, notamment 19 Etats membres de l'Union Européenne et 27 Etats africains. Cette harmonisation suppose un encadrement déontologique et la responsabilité professionnelle. Peut-on douter de l'avenir de l'huissier de justice indépendant privé libéral ? Cela est improbable car aucun statut libéral n'est jamais redevenu fonctionnaire et il est garant de la sécurité juridique. Jacques Isnard conclut en prônant une grande profession de l'exécution forcée mobilière et immobilière et pluridisciplinaire (médiation post-judiciaire, ventes aux enchères, liquidations judiciaires, acte déclaratif sous signature privée, ...
Puis Françoise Andrieux, rapporteur général du congrès, a mis en exergue l'évidence du choix de Marseille pour accueillir le congrès, car il s'agit de la ville de ses ancêtres, ville plurielle : origines ethniques, culturelles, religieuses. Le mélange a créé l'harmonie. L'harmonie sera le fil d'Ariane de ce congrès. Elle est le résultat des liens entre droit et économie et économie et justice. La « Law and Economics » (analyse économique du droit) consiste à soumettre les concepts juridiques à une analyse micro économique. Cette analyse recherche l'efficacité de la décision judiciaire considérée comme un résultat. L'efficience peut être étendue tant qu'à l'organisation de la justice, de ses acteurs et organes et à leurs attributions respectives qu'à l'exécution de la décision. Si l'économie se veut une science qui observe des faits et cherche leurs causes, le droit au contraire a pour mission de dégager des normes. La règle de droit doit être observée au travers du prisme économique. L'extrême diversité des biens implique la nécessité de trouver des critères de classification. Le droit de propriété sur ces biens est un fondement de notre société. Le droit doit rester en prise avec son environnement en respectant une certaine souplesse pour garantir la sécurité juridique. La loi du marché est-elle compatible avec la justice ? Liberté économique et justice ne sont pas opposées mais complémentaires au travers de la notion de confiance. L'économie a besoin de sécurité juridique dans l'Etat de droit. Françoise Andrieux nous a indiqué que l'huissier de justice est le pilier de l'Etat de droit, de par sa formation et sa place au cœur des relations économiques. Et de nous rappeler la citation de Pierre-Gilles de Gennes : « Le vrai point d'honneur n'est pas d'être toujours dans le vrai. Il est d'oser, de proposer des idées neuves, et ensuite de les vérifier » a conclu Françoise Andrieux, achevant ainsi la cérémonie d'ouverture.
Après un rappel sur les structures, les objectifs (principaux et collatéraux) de l'Union, Jacques Isnard a commenté les six objectifs développés par l'UIHJ. Ils ont tous été largement remplis au cours de cette mandature. L'UIHJ a participé aux assemblées générales de l'ONU à New York et à Paris, a été présente à Bruxelles au « Forum », au Réseau judiciaire européen et à e-Justice. S'agissant du Conseil de l'Europe et de la CEPEJ, l'UIHJ a participé aux réunions relevant de son statut d'ONG privilégiée où elle a intégré le groupe de travail CEPEJ-GT-EXE sur l'exécution. Elle a poursuivi sa coopération fructueuse avec la Conférence de La Haye de droit international privé. Le président a mis en exergue les actions internationales ; il a fait état des six séminaires, des six colloques sur le statut et l'acticité d'huissier de justice, des six colloques sur les procédures d'exécution, des sept journées d'étude et des quatre missions internationales. Il a insisté sur l'élargissement de l'Union avec sept nouveaux membres et a brossé un tableau comparatif des activités menées par l'Union internationale, en faisant ressortir que l'Union s'est engagée dans 118 manifestations comparées aux 93 de la précédente mandature. Il a terminé en remerciant très chaleureusement les collaborateurs qui ont œuvré tout au long de ces trois dernières années.
La mutation
Le 1er atelier, avec pour thème “la mutation”, se proposait de réfléchir sur une harmonisation de la classification des biens et la nécessité d'un nouveau concept du droit des contrats.
La première des deux parties de cet atelier traitait de l'harmonisation de la classification des biens.
Pour Aïda Kemelmajer de Carlucci (Argentine), juge à la Cour suprême de Mendoza, professeur à la faculté de droit de Mendoza, membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, sous le concept de chose on trouve tout et n'importe quoi, un bœuf, un œuf, mais aussi les usines Renault, un billet de cent euros, ou l'étang de la Ville d'Avray. Des expressions telles que «chose» et « biens » renferment des notions relevant de l'évolution de la civilisation humaine. Aujourd'hui, il y a de nouveaux besoins matériels et spirituels. Mme de Carlucci s'est attachée à donner différentes définitions des termes de chose et de bien, tant étymologiquement que dans diverses législations.
Depuis longtemps, nous apprenons qu'un objet est matériel lorsqu'il est susceptible d'être perçu immédiatement par nos sens. Il est immatériel lorsqu'il n'est perçu que par notre intelligence. Il est parfois difficile de classer certains biens. Ainsi, le corps humain et ses parties, le cadavre, les cendres d'un cadavre, les animaux, les nuages, les déchets hospitaliers, etc. La protection de l'environnement est par ailleurs en train de produire depuis un certain temps des changements importants.
L'oratrice a ensuite abordé la nécessité de classification des choses et des biens pour appliquer le régime juridique. La plupart des codes classifient les choses selon un point de vue double : - par rapport aux choses en elles-mêmes ; - par rapport aux personnes auxquelles elles appartiennent (État, particuliers, église, etc.).
Le professeur de Carlucci a enfin évoqué l'obsolescence des critères traditionnels suite aux changements survenus et à survenir dans les facteurs qui conditionnent le schéma juridique : « Les classifications légales sont susceptibles de devenir partiellement ou totalement inappropriées aux buts recherchés, à moins d'effectuer progressivement des interprétations correctives nécessaires à l'adaptation des normes respectives afin qu'elles puissent être efficacement appliquées à une réalité dont l'évolution est constante ».
Pour Maurice Tancelin, ancien professeur à l'université de Laval (Québec), après la crise de 1930, on a assisté à une mutation liée à la main mise des économistes sur la pensée américaine. Cette prédominance se manifeste par la séparation de la propriété et du contrôle des entreprises ; elle est intégrée au programme de relance du « New Deal » de Roosevelt.
En 1960, Cowes, un économiste anglais qui obtiendra le prix Nobel en 1991, énonçait que le facteur de production dans une société est le droit d'accomplir des actions à but économique conçues comme des droits. Dans la grande entreprise, les méfaits causés doivent être admis comme le simple effet négatif de l'effet positif de la production (exemple : la pollution). Il est à la base de l'analyse économique du droit. Le pouvoir des juges est extraordinairement développé en Amérique du nord (« le code dit les choses, les juges font le droit »), contrairement aux pays où les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont mieux répartis.
Le professeur Ioan Les, doyen de la faculté de droit de Sibiu (Roumanie), membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a indiqué ensuite que la modification de la classification des biens est possible, mais difficile. Le droit des biens n'a jamais été considéré comme la meilleure partie du Code civil, d'autant que la catégorie des biens d'origine agraire n'est plus d'actualité.
Il n'est pas naturel de diviser le monopole de l'exécution forcée. Ainsi, avocats et notaires n'ont pas les mêmes compétences. Les évolutions doctrinales sont spectaculaires. Certains auteurs proposent de créer une catégorie spéciale de biens, qui aboutirait à trois classes de biens (meubles, immeubles, animaux), la distinction meubles/immeubles étant dépassée, et l'adage « en fait de meubles, possession vaut titre » étant contesté.
Le professeur Les a étudié différentes législations (Canada, Pays-Bas, Autriche, Espagne, France, Chili, Roumanie, ...) pour aboutir à l'idée d'une nouvelle classification entre biens enregistrés et biens non enregistrés dans différents fichiers (foncier, administratif, ...). Selon lui, l'immatriculation permet la sécurisation juridique des biens, avec un régime juridique spécifique pour les biens enregistrés, sans toutefois oublier totalement la classification meubles/immeubles.
Après avoir rappelé l'origine historique de la classification, dans le code civil français, entre les biens immeubles et les biens meubles, Odile Dunaud, huissier de justice à Thiais (France), s'est efforcée de montrer que d'autres classifications peuvent être mises en exergue. L'immeuble, bien précieux et productif de revenus, sort au fil des ans du patrimoine. Au 20e siècle, la fortune mobilière se développe considérablement. Les richesses nouvelles tombent dans la catégorie des meubles. Cette classification fondée sur le critère physique, fixité ou mobilité des biens, entraîne des conséquences sur la publicité légale, les sûretés réelles, le régime de la possession et sur la différence de valeur entre les immeubles et les meubles. Notre consœur a affirmé que cette classification est devenue inadaptée. D'autres distinctions peuvent être envisagées. En premier lieu, Odile Dunaud a rappelé, au travers d'exemples et d'arrêts de jurisprudence, que les immeubles peuvent être classés en trois catégories : par leur nature, par leur destination ou par l'objet auquel ils s'appliquent. Quant aux meubles, ils se distinguent par leur nature ou par la détermination de la loi.
Les meubles se divisent en meubles corporels (les biens matériels, tangibles) et incorporels (les droits). Cependant cette distinction majeure est complétée par diverses distinctions secondaires. La doctrine présente d'autres classifications avec des conséquences juridiques. On trouve par exemple les choses consomptibles et les biens de consommation. Il existe les choses fongibles, les choses appropriées et non appropriées, les choses dans et hors du commerce. On peut également prendre en considération la valeur du bien avec les biens de capitalisation et de consommation et les fruits et produits.
Aussi, une classification fondée uniquement sur le critère physique des biens et sur la règle « res mobilies res vilis » telle que mise en place par les rédacteurs du Code civil français est dépassée. Un toilettage du monde rural de 1804 est insuffisant. La classification fondée sur le critère de valeur est-elle satisfaisante ? Pour tenter de répondre à cette question, l'intervenante s'est attachée à donner une nouvelle classification des biens. « L'avènement de l'immatériel doit nous encourager à repenser le droit de biens » indique t'elle. L'une des pistes de réflexion conduit à prétendre que les véritables biens sont, non des choses, mais des droits que nous pouvons avoir sur ces choses ou qui aboutissent indirectement à les procurer. L'autre piste est celle suggérée par la Convention européenne des droits de l'homme et celle de l'article 1er de son protocole n°1 : « toute personne physique ou morale a le droit au respect de ses biens ». Puis Odile Dunaud a évoqué les contrats de fiducie et leur incidence en droit français. Aussi il faut penser dans une vision d'échanges économiques internationaux avec des principes généraux communs indépendants du système de Common Law ou de droit romano-germanique. La notion de valeur est au cœur d'une nouvelle classification des biens, le terme de bien étant considéré dans une acceptation la plus large possible comme étant les droits ayant une valeur pécuniaire et inscrite à l'actif d'un patrimoine, par opposition aux droits extrapatrimoniaux. L'huissier de justice doit être au cœur de cette classification puisqu'il assure l'exécution sur le patrimoine du débiteur par la mise en place des procédures civiles d'exécution tant mobilières qu'immobilières et, nous l'espérons dans un avenir très proche, le chef d'orchestre de la saisie immobilière. Selon Odile Dunaud, cette approche devrait avoir un rayonnement international en passant d'une vision objective et statique des choses à une description subjective et dynamique des obligations réelles ou personnelles.
Si nous vous disions maintenant que ces passionnants débats se sont poursuivis lors du cocktail offert par la Chambre nationale des huissiers de justice de France dans un lieu magique, le Palais du Pharo, nous croiriez-vous ?
Les travaux ont repris le mercredi 9 septembre avec la seconde partie du 1er atelier. Le thème portait sur les conséquences de l'harmonisation de la classification des biens sur la nécessaire adaptation du droit des contrats. L'atelier était modéré par Françoise Andrieux.
Mathieu Chardon, huissier de justice à Versailles (France), 1er secrétaire de l'UIHJ, a effectué un comparatif entre les systèmes de droit civil et de Common Law, s'agissant des contrats et de leur inexécution. L'analyse a été faite sur le plan européen mais également international. Pour notre confrère, une nouvelle classification des biens et une réforme du contrat permettent d'envisager de nouvelles activités pour les huissiers de justice, au service du droit et du citoyen, en plaçant « l'huissier de justice au cœur du contrat. » Mathieu Chardon a illustré ses propos en présentant le contrat sécurisé par l'huissier de justice, un contrat dans lequel ce professionnel interviendrait à tous les stades de sa vie. Et de conclure : « le droit des contrats, adossé à une nouvelle classification des biens, représente un gigantesque réservoir à idées dans lequel les huissiers de justice peuvent puiser pour proposer des solutions concrètes aux problèmes endémiques que sont l'insécurité juridique, la complexification des échanges économiques et l'engorgement des juridictions ».
Anton Jongbloed, professeur à l'université d'Utrecht (Pays-Bas), membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a indiqué qu'aux Pays-Bas, avant le code civil de 1992, la classification des biens se faisait entre biens meubles et immeubles. Le code civil a institué qu'est meuble, toute propriété qui n'est pas immeuble. Pour classifier les biens, plusieurs critères peuvent être pris en compte, notamment l'usage qui est fait du bien. En fonction de la classification, l'huissier interviendra plus ou moins facilement.
Pour Claire Sandbrook, sollicitor, présidente de la High Court Enforcement Officers Association (Angleterre, Pays de Galles), dans le système d'exécution britannique, l'huissier de justice doit se demander quels biens peuvent faire l'objet d'une saisie exécution. Deux catégories de biens sont considérées : les biens tangibles, qui peuvent être saisis, et les biens tangibles qui ne peuvent l'être par cette procédure de saisie exécution. Les tribunaux déterminent ce qui est saisissable ou pas, suivant divers critères (humain, économique, ...). La difficulté est à deux niveaux : ce système ne permet pas de classifier les biens, et les décisions des différentes juridictions peuvent être contradictoires.
Robert Emerson, professeur de business Law au Warrington College, université de Floride, (Etats-Unis d'Amérique) a fait une brillante et humoristique introduction, agrémentée de divers chapeaux liés à différents thèmes, ainsi qu'il pratique avec ses étudiants. Puis il poursuit son propos passionné couvert d'un chapeau napoléon, symbole de la Civil Law ! L'économie influence la justice et le mode de classification des biens, qui peuvent être des biens ou des services, et seront soumis à la loi des contrats (exemple : la livraison de fuel est-elle un bien ou un service ? L'interprétation peut permettre de gagner ou perdre le procès !). La difficulté est accrue du fait de l'absence d'une loi uniforme. Aucune loi étrangère ne devant actuellement être prise en compte par la Cour suprême fédérale, le professeur Emerson a proposé des échanges entre les différents systèmes mondiaux en vue de l'harmonisation.
A la suite de cette intervention, une table ronde s'est tenue sur la pratique des contrats dans le monde économique et les modes alternatifs de règlement des conflits. Ont participé à cette table ronde Claude Brenner (France), professeur à l'université Paris II, Panthéon Assas, Sue Collins (USA), constable, vice-président déléguée de l'UIHJ, Nicola Hesslen (Suède), secrétaire permanente de l'UIHJ pour les Etats scandinaves, Jérôme Okemba Ngabongo (Congo), huissier de justice, et Piemonrat Vattanahataï, magistrat, professeur à la faculté de droit de Bangkok, membre du Conseil scientifique de l'UIHJ.
Claude Brenner a traité de la médiation post-judiciaire, sous un angle français. L'exécution forcée a pris une place centrale dans les rapports économiques et spécialement dans les relations nées de contrats. Pour lui, avec le 21e siècle naissant, le phénomène de déjudiciarisation de l'exécution forcée se voit associée à la redécouverte des « vertus de la négociation et de l'accord des volontés », mais à un stade post judiciaire et sous la forme d'une médiation institutionnalisée. Dans un premier temps, le professeur Brenner a envisagé la possibilité d'une telle médiation au travers d'une part les obstacles tenant au droit fondamental à l'exécution (force obligatoire du contrat, droit à l'exécution forcée) et d'autre part les obstacles tenant à l'organisation juridique de l'exécution (organisation légale de l'exécution forcée, aménagement volontaire de l'exécution forcée). Puis, l'intervenant a précisé quelles peuvent être les modalités de la médiation post-judiciaire. « Les modalités concevables de la médiation post-judiciaire doivent être explicitées sous un double rapport : celui des fonctions du médiateur et celui de la portée que pourrait avoir sur le terrain de l'exécution le préliminaire imposé ». Parmi les fonctions de médiateur, il distingue l'objet de la médiation, sorte « d'invitation faite au débiteur d'indiquer au poursuivant des possibilités d'exécution alternative et moins rigoureuses mais également satisfactoires », et le choix du médiateur, au sujet duquel l'huissier de justice devrait « figurer en bonne place parmi les agents qui pourraient être investis de cette fonction ». Enfin, sur la portée de la médiation, le professeur Brenner a estimé qu'elle devrait constituer une entrave aux poursuites sanctionnée en cas de contravention par la mainlevée de la procédure d'exécution et engager la responsabilité éventuelle du poursuivant et de l'huissier instrumentaire, à la condition, bien entendu, de soumettre les poursuites au préalable de la tentative de médiation à l'appréciation de l'huissier de justice, ou en établissant une réciprocité des charges entre le créancier et le débiteur.
Sue Collins a parlé de la pratique des contrats aux Etats-Unis en se basant sur son expérience professionnelle de « constable », fonction que l'on pourrait comparer à celle de Sheriff en Afrique du Sud, ou d'Enforcement Officer au Royaume-Uni. Elle a décrit plusieurs des effets attachés aux contrats. Le contrat qu'elle négocie avec ses clients permet par exemple d'indiquer précisément l'étendue du travail devant être effectué, sa durée ainsi que le prix des prestations et l'ensemble des conditions. Cela lui permet ainsi de prévoir les coûts ainsi que le travail à fournir, et lui offre une garantie d'exclusivité dans le temps. Le contrat peut également prévoir des clauses d'arbitrage pour éviter le recours aux juridictions. Aux Etats-Unis, il existe différentes manières de contracter. Parmi celles-ci se trouvent la négociation directe entre cocontractants et le concours proposé par une entité gouvernementale à des grands groupes. Ce dernier mode est également utilisé par des grands d'honneurs d'ordre, sous la forme d'appel à proposition (request for proposal). Puis Sue Collins a proposé quelques sphères d'interventions pouvant être assurées par les huissiers de justice, parmi lesquels l'arbitration et la médiation, ou encore le travail d'investigation qui remplace les constats dans certains pays.
Après avoir rappelé les différentes sortes de médiations et décrit le rôle des professionnels aptes à la pratiquer en Suède, notre consœur Nicola Hesslén, qui exerce à Göteborg, s'est efforcée de comparer la médiation telle qu'elle est pratiquée en Suède et au Danemark. En Suède, la médiation est volontaire ou judiciaire et, dans tous les cas, consensuelle. La médiation judiciaire permet de résoudre 80 % des litiges, mais elle est interdite aux huissiers de justice suédois, car incompatible avec leur statut fonctionnaire. Mme Hesslen s'interroge : « Aujourd'hui en Suède les juges, les avocats et les experts exercent cette activité de médiateur. Mais pourquoi pas les huissiers de justice, qui ont la même formation de haut niveau que les magistrats et les avocats ? » De cette comparaison, bien que dans les deux pays ils soient fonctionnaires, il ressort une grande différence entre ces deux Etats : au Danemark seulement un huissier de justice peut être médiateur. Pourquoi dès lors ne pas comparer les deux pays et proposer l'activité de médiateur aux huissiers de justice suédois ? Une telle proposition entre bien dans le cadre de la volonté d'harmoniser la formation et les activités des huissiers de justice en Europe.
A son tour, Jérôme Okemba Ngabondo a évoqué la pratique des contrats dans le monde économique et les modes de règlement des conflits dans son pays. Au Congo, la pratique contractuelle dans le monde économique accorde une place de choix à « une solution africaine », c'est-à-dire une résolution amiable des conflits, qui trouve sa plus grande expression dans la « palabre ». Parmi les modes alternatifs de règlement des conflits se trouvent la conciliation et la médiation. La conciliation est prévue par le Code de procédure civile. Les parties peuvent y recourir à n'importe quelle étape du litige. Elle existe également en matière de conflits du travail ou de règlement préventif. La médiation, quant à elle, est assurée par le médiateur de la République. Il existe parallèlement des organes ad hoc de règlement alternatif des conflits. Ces organes sont par exemples stipulés par les parties dans leur contrat au moyen de clauses compromissoires. « C'est ici qu'il faut s'interroger sur la place ou le rôle que peut jouer l'huissier de justice » estime notre confrère. Ce professionnel est rarement désigné comme médiateur ou conciliateur. Pour autant, il « devient un élément de conciliation lorsqu'il dépose une sommation ou pratique une mesure conservatoire ». Puis l'intervenant a expliqué en quoi les modes alternatifs de règlement des conflits peuvent être des moyens de transformation de l'espace judiciaire et économique congolais. Ces modes alternatifs peuvent agir comme « palliatif à l'encombrement et à la lenteur des tribunaux » et également comme « éléments déclencheurs de la créations d'organes propres de règlement des conflits par les acteurs économiques ».
Piemonrat Vattanahathaï a indiqué qu'en Thaïlande le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) devient de plus en plus fréquent et occupe une place importante dans la résolution des différends. Le règlement des conflits par voie de médiation et de conciliation se répand à l'ensemble du pays et dans toutes les juridictions, y compris les cours d'appel et les cours suprêmes, ce qui favorise la tranquillité publique au-delà de l'exécution forcée de la loi. Piemonrat Vattanahathai a brillamment exposé la législation applicable en la matière en Thaïlande, avant d'évoquer la pratique à force d'exemples issus de son expérience personnelle. Compte-tenu des nombreux intérêts des « MARC » pour les parties, les juridictions et l'Etat, une loi va être mise en place instaurant la médiation devant et en dehors des tribunaux et imposera même pour certains contentieux une obligation de médiation avant toute procédure judiciaire, ce qui signifie que le tribunal ne sera donc saisi qu'en dernier ressort.
L'ouverture
Le deuxième atelier a pour thème "L'ouverture". Le sujet de l'après-midi, « L'huissier de justice dans le monde », était confié à l'équipe de Rose-Marie Bruno, huissier de justice à Arles (France). Un rappel historique sur la profession d'huissier de justice dans le monde et sur la création de l'UIHJ en 1952 initiait les travaux.
S'en suivait par notre consœur l'exposé des points de développement par les différents congrès des vingt dernières années qui ont fixé la volonté de l'UIHJ de mettre en place un huissier de justice libéral indépendant privé et d'un haut niveau de formation : un professionnel - Le professionnel - sur tous les continents qui développe des activités multiples et variées. Cette pluridisciplinarité à l'échelle du monde appelle la reconnaissance d'une grande profession de l'exécution qui regroupe tous les pans d'activités qui en découlent.
Au sein de ce kaléidoscope d'activités, une place à part doit être réservée au constat qui fait de l'huissier de justice l'administrateur de la preuve par excellence. L'équipe du congrès a proposé la création du constat à valeur probante universelle, transposition d'une situation de fait, tel le constat numérique. Au travers de l'acte authentique sous signature privé, l'huissier de justice se pose comme le conseil du justiciable, authentificateur de sa volonté. Une grande profession de l'exécution, certes, mais pour quelles activités ?
La deuxième partie des travaux s'est attachée à proposer l'établissement des standards communs au service d'une exécution à vocation mondiale. Cela suppose une procédure dans chaque pays qui respecte les conditions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. C'est l'option choisie par l'équipe du congrès. Un titre qui voyage sans frontières, cela suppose la reconnaissance mutuelle des décisions de justice dans le monde.
L'Europe a montré la voie avec le règlement Bruxelles I qui a posé les bases d'un exequatur allégé et du titre exécutoire européen. La reconnaissance des titres au niveau mondial doit tenir compte de la cohabitation de la Civil Law et la Common Law. Pour permettre une exécution transfrontalière, efficace et rapide, il faut donner à l'huissier de justice l'accès à l'information sur le patrimoine du débiteur où qu'il se trouve. C'est la première norme retenue. Les professionnels de l'exécution pourraient dès lors croiser leurs fichiers sous couvert du secret professionnel. Permettre une exécution mondiale au moyen de mesures d'exécution transfrontalières, telle fût la deuxième norme retenue. A l'instar de l'injonction Mareva qui permet au juge, depuis Londres, d'ordonner des mesures conservatoires dans un autre pays, il faut penser à des mesures d'exécution transfrontalières. Telle a été la problématique soumise à la perspicacité du Professeur Cuniberti. Nous devons aller vers une grande profession de l'exécution au service de normes structurelles d'exécution à vocation mondiale. Le droit de l'exécution n'est pas un « droit en devenir » mais « le droit de l'avenir », telle fut la conclusion de Rose Marie Bruno, avant de céder la parole au premier intervenant.
Pour Carlos Calvo, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Luxembourg, dans les pays de droit latin, alors que les huissiers de justice sont par principe seuls à pouvoir exécuter une décision de justice, plusieurs textes contredisent ce monopole (saisie des rémunérations, saisie immobilière). Au Luxembourg, l'huissier de justice procède aux prisées et ventes publiques de meubles corporels et incorporels, effets mobiliers et récoltes ; les notaires sont les seuls à mettre en vente publique les immeubles. Une collaboration entre huissiers de justice et notaires serait plus adaptée : l'huissier de justice assurerait la vente publique de l'immeuble, encaisserait l'argent et règlerait les créanciers ; le notaire serait limité à l'authentification de la vente et à la publicité foncière. En Roumanie, en Hongrie ou en Estonie, la vente d'immeubles se fait par l'huissier de justice et est supervisée par le juge. Cela fonctionne à merveille. Les huissiers de justice sont efficaces et rapides. Carlos Calvo a invité à cet effet les différentes délégations et l'UIHJ à s'intéresser au Livre blanc de la Commission du 18 décembre 2007 sur l'intégration du marché européen du crédit hypothécaire (COM(2007) 807). En effet, la Communauté européenne considère que les Etats membres devraient améliorer l'efficacité de leurs procédures de ventes forcées et d'enregistrement foncier. Il a évoqué une possibilité supplémentaire d'alimenter la pluridisciplinarité en indiquant qu'au Luxembourg les huissiers de justice procèdent à la vente aux enchères de titres non côtés en bourse.
Anne Kérisit, huissier de justice à Dournenez (France) a indiqué que prouver, c'est tenter de faire reconnaître un droit comme vrai. La preuve est donc la démonstration de l'existence d'un acte ou d'un fait juridique entraînant des conséquences de droit. L'huissier de justice est le professionnel de la vérité et de la preuve partout dans le monde. Par le biais du constat, l'huissier apporte une garantie d'objectivité et d'impartialité. Alors, pourquoi ne pas revendiquer un constat à valeur probante universelle dans le cas des constatations purement matérielles qui n'appellent aucun avis de la part de l'huissier de justice qui instrumente et qui ne serait que la transposition d'une situation matérielle. Deux exemples de ce type de constat sont immédiatement applicables : le constat d'affichage d'un permis de construire et le constat en ligne sur internet.
Marc Schmitz, huissier de justice à Saint-Vith (Belgique), questeur du Comité de l'UIHJ, a présenté le recouvrement amiable de créances. Pour notre confrère, cette matière constitue aujourd'hui « un des domaines clé pour l'avenir de la profession de l'huissier de justice ». Il s'est ensuite attaché à définir cette matière en se demandant si les termes « recouvrement » et « amiable » n'étaient pas antinomiques. Le recouvrement de créances, qu'il soit judiciaire ou extrajudiciaire, est la tâche naturelle de l'huissier de justice. Le créancier préfère n'avoir qu'un seul partenaire pour la récupération de ses impayés, et cela à travers toute la procédure. Aux Pays-Bas, les huissiers de justice ont la possibilité non seulement de faire du recouvrement extrajudiciaire et de l'exécution forcée, mais également de représenter le créancier devant le tribunal pour l'obtention du titre exécutoire. Toute la procédure du recouvrement est ainsi entre les mains de l'huissier de justice. « Voilà un exemple de parfaite pluridisciplinarité » a indiqué notre confrère. Mais cela n'est pas le cas dans de nombreux pays, non seulement dans ceux où l'huissier de justice est fonctionnaire, mais également dans des pays comme le Luxembourg ou la Belgique. La phase du recouvrement « pré-judiciaire » permet d'écarter bon nombre de dossiers des tribunaux, déjà fortement encombrés par la charge de travail actuelle. En outre, pour les petites créances (en dessous de 100 euros par exemple) les frais de greffe et d'avocat sont considérablement plus importants que la créance elle-même. C'est pourquoi Marc Schmitz a proposé un recouvrement extrajudiciaire de créances à frais partagés « pour ne pas pénaliser le créancier de bonne foi qui souhaite effectuer une dernière tentative amiable avant de passer en phase judiciaire, mais aussi pour rappeler au débiteur ses responsabilités en cas de paiement tardif de sa créance ». Et de rappeler que l'huissier de justice et lui seul, en sa qualité d'officier ministériel neutre, peut garantir à toutes les parties le respect de leurs droits dans le cadre d'un recouvrement extrajudiciaire. Soumis à des règles strictes de déontologie et de discipline, il agira pour que tout recouvrement extrajudiciaire deviendra un vrai recouvrement à l'amiable. Dès lors, « Recouvrement » et « amiable » ne se contredisent pas !
A sa suite, Jos Uitdehaag, huissier de justice à Etten Leur (Pays-Bas), 1er questeur du Comité de l'UIHJ, a présenté l'ensemble des réformes existant dans les pays des Balkans et qui se tournent vers la création d'un huissier de justice libéral, notamment avec l'aide du projet Balkans Enforcement Reforms Project (BERP) : Albanie, Bosnie & Herzégovine, Croatie, Kosovo, Monténégro, Serbie, et l'Ancienne République yougoslave de Macédoine (les huissiers de justice y ayant déjà adopté ce statut).
Gilles Cuniberti, professeur à l'universalité du Luxembourg, s'interroge sur la libéralisation de la circulation des jugements ou titres exécutoires puis à celles des mesures d'exécution. La Conférence de La Haye de droit international privé a tenté de négocier une reconnaissance des jugements à l'échelle mondiale. Cette tentative s'est soldée par un échec, l'abandon des Etats-Unis étant commandé par le refus d'une extension de la Convention de Bruxelles au continent nord américain et des présupposés européens sur ce qu'est un tribunal. Toutefois, deux exceptions sont présentées : la Convention de New York sur les sentences arbitrales, embryon d'une libéralisation de la circulation des titres exécutoires ainsi que la Convention de La Haye de 2005 lorsque le tribunal a été choisi par les parties. Il souligne que la signification préalable par un huissier de justice local de la décision est la condition sine qua non de cette libéralisation. L'extraterritorialité de la mesure conservatoire a été consacrée à Londres par l'injonction Mareva qui permet de faire défense au débiteur de disposer de ses biens situés à l'étranger. La mise en place de standards de l'exécution et le modèle européen de la saisie internationale des avoirs bancaires, instrument unique, sont le départ de la libéralisation de la circulation des procédures d'exécution.
Vladimir Yarkov, professeur à l'université d'Ekaterinbourg, membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a présenté dans un premier temps les grandes lignes du droit de l'exécution dans la Fédération de Russie et, dans un second temps, un panorama des règles d'exécution internationales dans son pays. Le professeur Yarkov a insisté sur l'importance du Service fédéral des huissiers de justice de Russie, qui tient compte de plusieurs facteurs : un immense territoire, une mentalité « tout à fait particulière de la population », et une période transitoire du droit et de l'économique nationale. Le SFHJ compte aujourd'hui près de 65 000 fonctionnaires dont environ 24 000 huissiers de justice pour une population d'environ 142 millions d'habitants. En 2008, environ 36 millions de décisions ont été mises à exécution, dont 10 millions concernent des infractions routières. M. Yarkov a indiqué que l'idée d'un système libéral est fortement discuté en Russie depuis les années quatre-vingt-dix mais qu'aucune décision n'a encore été prise. L'orateur a indiqué qu'il existe deux types d'huissiers de justice en Russie : ceux qui assurent l'exécution des actes exécutoires et ceux qui assurent la sécurité des tribunaux. L'un des problèmes soulignés par Vladimir Yarkov est le taux d'exécution sur les dettes pécuniaires des personnes physiques qui est très bas puisqu'il n'excède pas 10 à 15% en matière de droit privé. Un autre est la surcharge des huissiers de justice et le nombre très importants des dossiers d'exécution, notamment en matière administrative (environ 70%). En conclusion de son intervention, M. Yarkov a indiqué que la Fédération de Russie base son système d'exécution des décisions de justice sur les valeurs de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et estime que le développement économique de son pays pourra influencer de manière considérables sur l'amélioration du droit de l'exécution sur le territoire national.
Adrian Stoica, huissier de justice à Costanza (Roumanie), membre du bureau de l'UIHJ, auteur d'une récente thèse de doctorat sur la saisie immobilière, a évoqué l'émergence de normes structurelles au service de l'aménagement d'un droit de l'exécution. Adrian Stoica a rappelé que le procès et l'exécution sont considérés comme faisant partie de la notion de procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a indiqué que la position du Conseil de l'Europe sur l'harmonisation et l'efficacité de la procédure d'exécution est actuellement très « énergique », et qu'elle est en réalité la première source d'où résultent des normes à caractère positif. La jurisprudence de la CEDH constitue une seconde source de normales structurales à caractère positif. Le droit à l'exécution existe dès lors que le débiteur n'exécute pas volontairement les termes de la décision qui a été rendue et que le créancier souhaite la mise en œuvre de cette décision. Le droit de l'exécution représente la structure unitaire des règles de procédure ou le moyen technique de procédure pour rétablir le créancier dans ses droits, par l'application du titre exécutoire. Et notre confrère de donner un aperçu des principales caractéristiques du droit de l'exécution, entre autre :
- Une branche distincte des autres branches du droit ;
- Un droit autonome au regard du droit substantiel ;
- Un droit ayant des principes fondamentaux propres basés sur ceux régissant l'ensemble de l'activité judiciaire ;
- Un droit composé d'un ensemble de règles de procédure ayant pour objet l'exécution ;
- Un droit reconnu au créancier et mis à sa disposition.
En conclusion, pour Adrian Stoica, le droit de l'exécution constituera la garantie du positivisme juridique pour les parties à la procédure d'exécution.
Le soir s'est tenue la traditionnelle soirée costumée au palais des congrès. Dans une ambiance conviviale et détendue, les congressistes ont pu admirer les magnifiques tenues traditionnelles de tous les pays, favorisant ainsi les échanges de cultures et la naissance de nouvelles amitiés au sein de la grande famille internationale des huissiers de justice.
La matinée du 10 septembre a débuté par la projection du reportage que René Duperray, secrétaire général de l'UIHJ, et Françoise Andrieux ont réalisé dans tous les pays de l'Union européenne sur la signification de l'acte introductif d'instance, qui avait déjà été projeté dans le cadre du colloque international de Sibiu (Roumanie) en mai 2009 (voir l'article sur notre site).
La garantie
Cette séance a été suivie du 3e atelier, intitulé « La garantie ». Il était présidé par Honoré Aggrey, huissier de justice à Abidjan (Côte d'Ivoire), secrétaire permanent de l'UIHJ pour l'Afrique centrale et de l'Ouest. Il comprenait trois parties. La première partie était intitulée « Principe et classification des normes ».
Marie-Hélène Duplaa, huissier de justice à Marseille (France), membre du Conseil de direction de l'Ecole nationale de procédure de Paris, a présenté le rôle de l'huissier de justice dans l'établissement et l'application des normes juridiques. Notre consœur s'est interrogée dans un premier temps sur les critères de l'Etat de droit. Dans ce contexte, le pouvoir exécutif ne doit pas interférer dans le pouvoir judiciaire. Le juge ne doit pas interférer dans l'exécution des décisions judiciaires. « Il doit y avoir indépendance entre le juge et l'huissier de justice » a déclaré notre consœur. Et, comme le magistrat, l'huissier de justice doit être totalement indépendant tant face au pouvoir exécutif et administratif qu'au pouvoir judiciaire, desquels il ne doit subir aucune pression. Pour que l'exécution soit effective, les Huissiers de Justice en charge de l'exécution doivent pouvoir instrumenter en toute sérénité et impartialité. Puis Marie-Hélène Duplaa a indiqué comment, selon elle, les huissiers de justice peuvent s'inscrire dans l'application des normes. Certes, remarqua-t-elle, de par sa position dans le système judiciaire, l'huissier de Justice n'a pas pour fonction d'élaborer des normes juridiques, mais de les respecter et de les faire appliquer. Pour autant, par son expérience, ses activités et sa formation de haut niveau, il peut être une force de proposition. Du fait de l'organisation professionnelle hiérarchisée, les chambres ou les ordres professionnels sont en liaison avec les pouvoirs publics. Cette force de proposition se traduit également par la participation de ses représentants en tant que partie prenante dans des commissions de travail pour l'élaboration de nouveaux textes dans des domaines intéressant la profession. Et de citer comme exemple la loi française de 1991 sur la réforme des procédures civiles d'exécution dont la profession a été inspiratrice. En amont également, la profession peut être prospective. Elle l'a prouvé. L'idée d'un titre exécutoire européen a été présentée en 1992 lors d'un congrès des huissiers de justice de France. Notre consœur a également évoqué les nombreuses actions de l'UIHJ en la matière : participation de l'UIHJ au groupe de travail de la CEPEJ sur l'exécution (CEPEJ-GT-EXE), création d'UIHJ-EuroMed, participation au Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, etc. En d'autres termes, « l'huissier de justice libéral et indépendant contribue au renforcement de l'Etat de droit en faisant appliquer et respecter les normes ». Et de conclure que le renforcement de la profession ne peut s'opérer que par une harmonisation des droits et procédures, laquelle harmonisation ne peut se faire qu'au travers des conventions internationales.
Dionisios Kriaris, vice-président de la Chambre nationale des huissiers de justice de Grèce, a rappelé que la fonction d'huissier de justice est aussi ancienne que l'institution de la justice. L'huissier de justice s'est toujours trouvé, et se trouvera toujours, à distance égale entre les deux parties d'un litige. Lors de l'accomplissement de ses fonctions, il n'exécute pas les ordres du requérant. Il n'est pas l'employé de son donneur d'ordre et n'est pas dès lors contraint de suivre ses instructions. Il n'exécute pas ses ordres mais il agit conformément et exclusivement selon les règles du droit et seulement celles-ci. Parallèlement, il se doit par son action de démontrer continuellement qu'il est un rempart de défense du citoyen. Jusqu'à ce que la décision de justice soit rendue, le rôle de l'huissier de justice est d'assurer par ses actions les droits du défendeur à l'information, pour qu'il puisse jouir de son droit sacré à un jugement équitable. L'histoire nous apprend, et ceci est un fait indéniable, qu'en réalité la majorité des citoyens recherche l'intervention fonctionnelle de l'huissier de justice, puisqu'elle se sait rassurée que ses droits ne seront pas bafoués. C'est pourquoi, a indiqué notre confrère, il est important de résister aux idées nouvellement apparues de type « privatisation du droit de recouvrement ». La garantie offerte d'un\�C stice où légalité et moralité peuvent s'identifier sont assurée par le juge et au autre officier public, l'huissier de justice, a conclu Dionisios Kriaris.
Guillaume Payan (France), consultant UIHJ, maître de conférences de l'université du Maine, a indiqué comment l'huissier de justice participait au processus d'élaboration des actes législatifs européens. Dans un exposé très complet, M. Payan a évoqué dans un premier temps les modalités d'exercice de la participation des huissiers de justice à ce processus. Dans cette optique, il a souligné les spécificités de la phase d'adoption des actes législatifs européens, avec les travaux préparatoires et la procédure législative proprement dite. Puis il a décrit la phase de l'application des actes législatifs européens, avec la mise en œuvre des actes législatifs européens et le réexamen de ces actes. Dans un second temps, l'orateur a évoqué les facteurs d'efficacité de la participation des huissiers de justice au processus. A cet égard, il a relevé l'institutionnalisation de la participation des huissiers de justice au processus. Le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale s'est ouvert aux professions judiciaires par une décision du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009. Un Forum européen de discussion en matière de justice a également été créé depuis 2008. Enfin, Guillaume Payan a expliqué comment la poursuite des réformes statutaires peut permettre d'approfondir la collaboration des huissiers de justice avec les institutions européennes. Ces réformes peuvent s'envisager sous la problématique de la représentativité des huissiers de justice auprès des institutions européennes et également sous celle de la diversité des statuts des huissiers de justice au sein de l'Union européenne. Un travail mené au plan européen par la profession sur la déontologie, la formation et la discipline professionnelles serait, selon lui, « de nature à accroître la confiance que les Etats membres portent dans leurs professionnels de l'exécution et dans les professionnels de l'exécution des autres Etats membres de l'Union européenne » et « pourrait ouvrir de nouvelles perspectives quant à l'action de l'Union européenne dans le domaine de l'exécution proprement dite ».
Puis Ivana Borzova, chef du Département de la justice aux Affaires civiles de la République tchèque, membre de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), a présenté le rôle de cette institution du Conseil de l'Europe. Elle a indiqué que l'un des rôles de la CEPEJ est de faciliter la mise en œuvre des instruments internationaux juridiques du Conseil de l'Europe relatifs à l'efficacité de la justice. A ce titre, la CEPEJ est très sensible à l'exécution des décisions de justice, qui est « un élément essentiel du bon fonctionnement de l'Etat de droit dans les pays ». Mme Borzova a rappelé qu'en 2003, le Comité des ministres des Etats membres du Conseil de l'Europe a adopté deux recommandations en matière d'exécution, l'une, Rec(2003)16, en matière administrative, l'autre, Rec(2003)17, en matière civile et commerciale. L'intervenante a indiqué les points essentiels de la recommandation 17 s'agissant de l'exécution et des agents d'exécution. S'agissant de ces derniers, ils devraient jouir de la meilleure considération, être compétents dans l'accomplissement de leurs fonctions et agir à tout moment dans le respect de normes professionnelles et éthiques élevées et reconnues. Ils devraient être objectifs dans leurs relations avec les parties et être soumis à un contrôle professionnel et à un suivi qui peut comporter un contrôle juridictionnel. La nécessité d'une formation initiale et permanente est également prévue. Selon une étude de la CEPEJ, il y aurait environ 62 000 agents d'exécution au sein des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe. Tous les deux ans, la CEPEJ publie un rapport intitulé « Systèmes judiciaires européens ». Dans sa dernière édition de 2008, le rapport conclut qu'il est important que les agents d'exécution bénéficient d'une formation adaptée et d'une qualification suffisante pour permettre à l'intéressé de faire une application efficace et raisonnée des voies d'exécution, dans le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles. La représentante de la CEPEJ a également indiqué qu'un groupe de travail sur l'exécution (CEPEJ-GT-EXE) a été constitué pour proposer des lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la recommandation 17 dans les Etats membres. Ce groupe de travail est constitué par des représentants de six Etats (Fédération de Russie, Allemagne, Grèce, Croatie, Monaco et Royaume-Uni), ainsi que par l'UIHJ, représentée par Leo Netten 1er vice-président, et Mathieu Chardon, 1er secrétaire. Le rapport final du groupe de travail devrait être présenté pour adoption lors de la 14e réunion plénière de la CEPEJ en décembre 2009. Mme Borzova s'est déclarée convaincue que l'excellente coopération entre l'UIHJ et la CEPEJ se poursuivra et a remercié les organisateurs pour son invitation et son hospitalité.
Frédérique Ferrand, professeur à l'université Jean Moulin Lyon 3 (France), membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a traité de la possible confrontation des articles 6 § 1 et 8 de la CEDH au regard du droit à l'exécution des décisions de justice. Mme Ferrand indique que l'article 6 § 1 de la CEDH contient trois grands types de garanties :
- En amont du procès équitable, le droit effectif à un tribunal ;
- Le droit lui-même à un procès équitable ;
- Et en aval du procès équitable, le droit positif à l'exécution effective des jugements définitifs au sens de la jurisprudence européenne.
Mais ce droit connaît quelques restrictions, soit dans l'intérêt général (ordre social, prévention du risque de trouble, etc.), soit dans l'intérêt légitimement protégé du débiteur (droit au logement, à la dignité ou encore à la santé). Ainsi, « l'opposition de droits fondamentaux du créancier et du débiteur peut conduire à amenuiser le droit à l'exécution effective ». L'article 8 de la CEDH garantit à toute personne le « droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Puis le professeur Ferrand a mis en exergue les contours jurisprudentiels de ces quatre droits fondamentaux pour se demander si les garanties édictées par l'article 8 peuvent faire, dans certains cas, obstacle à l'exécution effective d'une décision de justice. Citant l'arrêt Pini et autres c/ Roumanie du 22 juin 2004, elle a rappelé que la Cour avait retenu la violation de l'article 6 § 1 mais non de l'article 8. Une « collision » peut pour autant avoir lieu entre droits fondamentaux du débiteur et du créancier. Dans certains pays européens, la prise en compte de la situation du débiteur va très loin puisque l'effet d'une expulsion ou d'une saisie immobilière sur sa santé peut justifier le refus d'exécution d'un jugement exécutoire et irrévocable, comme c'est le cas en Allemagne où parfois même c'est l'état de santé physique ou psychique du débiteur qui rend inconstitutionnelle une saisie de son logement. Pour conclure, le professeur Ferrand s'interroge sur le point de savoir si la Cour européenne des droits de l'homme approuverait cette jurisprudence allemande plus soucieuse de la vie et de la santé du débiteur que des droits du créancier constatés dans une décision définitive.
La deuxième partie de l'atelier traitait de la place de l'huissier de justice dans le cadre de la sécurité juridique.
Natalie Fricero, professeure à l'université de Nice-Sophia-Antipolis, directrice l'Institut d'études judiciaires, membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a cherché à cerner la notion de principe de sécurité dans l'Etat de droit. Le Conseil d'Etat français en donne une définition : « le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis de ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles ». La Cour de justice des Communautés européennes a également consacré le principe de sécurité juridique comme un principe général de droit communautaire, dans l'arrêt Bosch du 6 avril 1962 (CJCE, De Gens en Uitdenborgegerd c/ Bosch et a. aff. 13/61, rec. P. 89). De son côté, la CEDH a fait référence à la sécurité juridique pour la première fois dans l'arrêt Markx contre Belgique du 13 juin 1979 (n°6833/74). Le professeur Fricero a également mis en exergue le célèbre arrêt Pini et a. c/ Roumanie du 22 septembre 2004. Elle s'est ensuite interrogée sur les raisons qui font de l'huissier de justice un garant de la sécurité juridique. En premier lieu l'huissier de justice est un élément clef du système judiciaire. La CEDH a ainsi jugé à plusieurs reprises que les procédés de notification et de signification des actes introductifs d'instance sont directement intégrés dans le procès équitable. L'oratrice a estimé que le procès équitable resterait lettre morte si les jugements rendus n'étaient pas exécutés. L'huissier de justice se présente également comme un garant de la sécurité des preuves, de la sécurité des échanges commerciaux, et de la mondialisation de la sécurité, et d'un bon fonctionnement de l'espace judiciaire européen. Dans la dernière partie de son intervention, Natalie Fricero a indiqué comment l'huissier de justice pouvait être garant de la sécurité juridique. Il l'est, tout d'abord en répondant aux attentes sécuritaires des citoyens et justiciables. L'appartenance à une profession réglementée constitue des vecteurs d'efficacité économique et de sécurité juridique. Les huissiers de justice sont très impliqués dans les programmes de justice numérique et anticipent ainsi la justice de demain. Pour autant, ils sont attachés à maintenir une vraie proximité avec les citoyens et les justiciables : « La démarche de proximité des huissiers de justice est une réalité, visible à travers le maillage du territoire. L'huissier de justice est le professionnel du droit le plus proche des citoyens, notamment dans le milieu rural, capable de donner des conseils et de permettre un réel accès au droit » a rappelé le professeur Fricero. Enfin, cette sécurisation devrait être renforcée en dotant l'huissier de justice de prérogatives plus grandes, notamment dans la recherche d'informations permettant de localiser le débiteur condamné. Mme Fricero a terminé son intervention en rappelant le rôle des Etats auxquels il appartient « de remplir leurs obligations positives à l'égard des Huissiers de justice, pour qu'ils puissent, effectivement, exercer ce rôle essentiel que tous les citoyens attendent d'eux... ».
Alain N'Gongang Sime, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Cameroun, a présenté un exposé très complet sur l'huissier de justice, élément essentiel de l'Etat de droit, dans le cadre de la sécurité juridique. L'huissier de justice est un facteur de sécurité des transactions. Par sa qualité de juriste de proximité, « l'huissier de justice démystifie le droit et fait naître chez les opérateurs économiques un sentiment de sécurité doublé de confiance ». Sa qualité de professionnel pluridisciplinaire du droit est également un gage de sécurisation, de même que celle d'officier public et ministériel. Mais pour le président N'Gongang Sime, l'huissier de justice participe également au bon fonctionnement de la justice. Il est le corollaire de la séparation des pouvoirs et préconise que la justice soit « libre du pouvoir exécutif, libre des pressions politiques, de la rue et de l'opinion publique ». Il garantit le sacro-saint principe du contradictoire qui permet aux parties de faire entendre leurs arguments, d'exercer leurs voies de recours et de bénéficier dès lors d'un procès équitable. Puis, l'intervenant a expliqué comment le principe de la sécurité juridique s'inscrit comme un droit fondamental dans l'Etat de droit. Sa démonstration s'est appuyée sur l'invocation d'un droit à la sécurité juridique en droits européen et américain, et sur la réception du droit à la sécurité juridique dans la plupart des systèmes africains. Après avoir évoqué en détail les différents aspects du droit à l'exécution forcée et du droit de l'exécution forcée au travers divers exemples, au rang desquels se trouvent les activités à caractère monopolistique de l'huissier de justice et l'obligation de l'Etat en matière d'exécution, Alain N'Gongang Sime a conclu que la contribution essentielle de ce professionnel à la consolidation de l'Etat de droit passe par la formation et par l'indépendance de l'huissier de justice.
A sa suite, et sur le même thème, Jean-Michel Rouzaud, président de l'Ecole nationale de procédure de Paris (ENP), a insisté dans un premier temps sur le statut de l'huissier de justice au service de la sécurité juridique du justiciable. L'huissier de justice est, dans de nombreux Etats, certes libéral mais aussi officier public et ministériel avec une délégation de puissance publique et une mission de service public. Il détient une parcelle de la puissance publique au bénéfice de l'intérêt général, ce qui fait de lui un professionnel libéral garant de la sécurité juridique. Naturellement, il est contraint à certaines obligations et est ainsi astreint à un ministère forcé. « Monopole et ministère forcé sont consubstantiels et l'un ne se justifie que par l'existence de l'autre » a fait remarquer Jean-Michel Rouzaud. Un autre aspect fondamental est l'indépendance de l'huissier de justice. « Comment pourrait-il à son niveau participer à la sécurité juridique s'il n'était pas indépendant ? » se demanda-t-il. Il doit donc être imperméable aux éventuelles pressions, qu'elles émanent du débiteur ou du créancier. L'indépendance doit également exister à l'égard des pouvoirs publics. L'huissier de justice se caractérise en outre par son impartialité, comme l'ont indiqué les précédents orateurs, mais aussi par leur responsabilité qui est garantie « de manière illimitée au profit des justiciables ». Dans un second temps, le président de l'ENP de Paris s'est attaché à démontrer comment une formation de qualité permet d'assurer un plus grand respect des droits des justiciables. « Seule une formation initiale rigoureuse et complète et ensuite une formation continue performante et accessible permettront à l'huissier de justice d'être un acteur juridique et judiciaire garant de la sécurité juridique, en charge de procédures loyales et équitables ». Au final, a conclu l'orateur, c'est la conjugaison de ce statut et de cette formation qui confèrera à l'huissier de justice cette confiance légitime qui fera de lui un acteur essentiel dans l'Etat de Droit et un garant incontournable de la sécurité juridique.
La troisième partie du 3e atelier concernait le thème de l'huissier de justice au cœur de l'activité économique.
Paula Meira Lourenço (Portugal), présidente du Comité pour l'efficacité de la justice au ministère de la justice du Portugal, membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a ouvert le bal en présentant les avancées dans son pays. Elle a informé les congressistes de la réforme sur les voies d'exécution qui ont été conduites au Portugal entre 2000 et 2008. Depuis 2008, l'accent a été mis sur e-Justice et sur le « e-agent d'exécution ». Le Portugal apparaît comme l'un des pays européens les plus avancés dans ce domaine comme la démontré l'oratrice au travers des thèmes suivants:
- Plate-forme informatique de travail de l'huissier de justice ;
- Procédures électroniques d'exécution ;
- Notifications électroniques entre les acteurs judiciaires et signification électronique des services financiers et de la Sécurité sociale ;
- Accès direct et électronique de l'huissier de justice à l'information relative à l'identification et au patrimoine du défendeur ;
- Saisie et publications électroniques ;
- Simplification de l'accès au Fichier informatique des exécutions ;
- Création de la liste publique d'exécutions.
Paula Meira Lourenço a achevé son intervention en présentant la Commission pour l'efficacité des exécutions dont elle est la présidente.
Mohamed Bousmaha, huissier de justice (Algérie), s'est demandé dans un premier temps comment l'huissier de justice peut être un gage de la stabilité du monde économique. A cet égard, il a indiqué quelles étaient, selon lui, les attentes du monde économique et qui pouvait jouer le rôle d'agent économique. « Le monde économique est caractérisé par une multitude d'intervenants à statuts différents qui s'activent dans un terrain où les enjeux et les buts des uns différent de ceux des autres » déclare-t-il. Le monde exprime donc « le besoin d'un agent qui l'accompagne en transcendant le concept de plus en plus critiqué de frontières pour être partout le garant de ces transactions ». Cet agent, c'est bien sûr l'huissier de justice. Il devra veiller à garantir ce besoin de stabilité du monde économique au travers de ses activités monopolistiques et accessoires. Cet agent est naturellement tourné vers les nouvelles technologies. Son statut libéral offre des garanties telle la maîtrise des outils de son intervention et constitue un rempart contre la corruption. Pour notre confrère, l'huissier de justice du 21e siècle sera un juriste de haut niveau et sera tourné vers « la concrétisation d'un espace de justice sans frontières ». Dans un second temps, Mohamed Bousmaha a évoqué en détails la place de l'huissier de justice algérien dans l'économie de son pays. Il a rappelé que cette place découle d'une forte volonté politique de réformes et d'une ouverture de la profession sur les pouvoirs publics. Les réformes entreprises ont conduit les huissiers de justice algériens à bénéficier de nouveaux outils d'intervention qui rendent leur travail particulièrement efficace : recherche d'information sur le patrimoine du débiteur, conduite et maîtrise de l'ensemble des procédures d'exécution sur les meubles corporels et incorporels et sur les immeubles, médiation, séquestre, etc. Il a terminé son intervention en indiquant que la Ligue arabe avait choisi le statut de l'huissier de justice algérien comme modèle de référence et a annoncé la création de l'Association nord africaine des huissiers de justice.
Emmanuel Madiot, huissier de justice à Saint-Junien (France), a souligné la difficulté qui consiste à tenter de réunir deux environnements délicats à rapprocher : la justice et l'économie. En d'autres termes, l'exigence de justice a-t-elle sa place dans les rapports économiques ? Mais la justice « assure le respect des règles, et contribue à la confiance nécessaire pour rendre possible et surtout plus efficiente l'activité économique ». A première vue, l'huissier de justice est plus proche du monde judiciaire, de la justice, que du monde économique. Pour autant, l'huissier de justice libéral participe à l'économie de son pays. Il crée de la richesse. Il investit. Il emploie, collecte et paye taxes et impôts. Parallèlement, il est soumis par son statut à « respecter l'équilibre entre les valeurs morales, réglementaires et les calculs utilitaires ». Il est également un régulateur de l'économie. Par son action, par ses missions et activités professionnelles, il intervient dans les relations entre personnes physiques ou morales. Par exemple, lorsqu'il exécute une décision de justice, il réduit la part de risque existant dans les relations économiques et contribue à la circulation des flux financiers en recouvrant des sommes dues aux particuliers ou aux entreprises. Emmanuel Madiot s'est ensuite projeté dans l'avenir pour s'interroger sur la place de l'huissier de justice dans un monde en mouvement, qui ne cesse d'accélérer ses mutations. Pour lui, l'un des paramètres fondamentaux est le rétrécissement du monde avec des moyens de communication toujours plus performants, rendant les distances moins importantes. La profession devrait démontrer au monde de l'entreprise sa capacité à traiter les affaires au-delà des frontières. L'huissier de justice doit rechercher l'harmonisation de ses fonctions, et notamment en tentant d'extraire de chaque pays, les meilleures pratiques, les meilleures procédures, pour essayer de reproduire, de les adapter dans les autres pays, en tenant compte bien évidemment des spécificités juridiques de chacun. Un autre paramètre est la place prépondérante de la technologie dans notre environnement. « Il s'agit d'un monde nouveau où tout reste à construire et à inventer » remarque Emmanuel Madiot. Puis il a évoqué les modes alternatifs de règlement des conflits et en particulier la médiation en soulignant que, par ses compétences, son indépendance et son impartialité, l'huissier de justice est tout à fait qualifié pour remplir cette mission. « Tout bouleversement est source d'opportunités, à nous de les saisir ! ».
Louis-Raymond Maranda, président de la Chambre des huissiers de justice du Québec, a rappelé en prolégomènes à son intervention que le Canada est le deuxième pays le plus grand au monde après la Fédération de Russie. Le Québec, avec ses 7,6 millions d'habitants et 1,6 millions de km², est la plus grande des dix provinces canadiennes. Le Canada connaît deux types de droit : celui de la Common Law et celui qui découle du droit civil. Louis-Raymond Maranda a décrit les difficultés mais aussi les avancées significatives de sa profession au cours des dernières années. Il existe aujourd'hui 450 huissiers de justice pour couvrir le territoire au-lieu de 750 il y a quatorze ans. Malgré cette diminution spectaculaire, l'huissier de justice québécois est toujours au cœur de l'économie. Depuis 2002 les huissiers de justice du Québec se battent pour obtenir l'autorisation de procéder au recouvrement amiable de créances. Par ailleurs, ils ont obtenu la fonction de s'assurer que tous biens meubles d'une valeur de plus de mille dollars est libre de tout lien et ce, en faisant une recherche au Registre des droits réels personnels ou mobiliers, un organisme gouvernemental qui enregistre les liens afin d'assurer un droit de suite au créancier. La vente sous contrôle de justice est aussi permise aux huissiers de justice, bien qu'elle ne soit pas un monopole pour eux.
A sa suite, Marta Pertegas a présenté la Conférence de La Haye de droit international privé dont elle est secrétaire du bureau permanent. Plus de 130 pays sont associés à cette organisation mondiale créée en 1883 ou font partie du réseau des 38 conventions et du protocole adoptés entre 1951 et 2007. « La Conférence de La Haye ne s'occupe pas seulement de la négociation des ces conventions mais également de leur mise en œuvre » a-t-elle précisé. Mme Pertegas a ensuite présentée la convention d'élection de for dont le but est de faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions de justice dans un pays autre que celui où elles ont été rendues, dès lors qu'une clause d'élection de for a été consentie par les parties. L'intervenante a également présenté la convention du 23 novembre 2007 qui devrait « assurer une nouvelle ère en matière de recouvrement international des aliments envers les enfants ». Parmi ses traits caractéristiques, cette convention présente des procédures expéditives et simplifiées pour la reconnaissance et l'exécution et une obligation d'une exécution rapide et efficace. Cette convention pourrait naturellement intéresser les huissiers de justice. Puis la secrétaire du bureau de la Conférence de La Haye s'est étendue sur la convention de La Haye du 15 novembre 1965 en matière de signification et de notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Cette convention est aujourd'hui appliquée dans 59 pays. Au moyen d'une présentation visuelle, elle a indiqué tout ce que la convention évitait : « le long et encombrant canal diplomatique qui fait que les documents à transmettre à l'étranger doivent poursuivre un long chemin pour finalement arriver dans l'Etat de destination du document ». Environ 37 000 demandes de significations ont été faites sur la base de la convention en 2007. 66% des demandes ont été exécutées dans un délai de deux mois, « ce qui, dans un contexte mondial, est un délai très raisonnable ». Et de conclure en indiquant que la convention doit être considérée comme « un pont qui se tend entre les différents Etat contractants » et de lancer un appel aux Etats qui ne l'ont pas déjà fait à rejoindre cette convention qui conserve toute son actualité et toute son utilité.
Rodrigo Zuniga Carrasco, conseiller auprès du ministre de la justice du Chili, a donné un aperçu de la situation au Chili en matière de justice civile et des avancées significatives dans son pays s'agissant notamment l'exécution des décisions de justice. De nombreuses réformes ont déjà été conduites depuis une quinzaine d'années en matières pénale, familiale ou sociale. Le domaine de la justice civile, qui remonte à 1893, fait actuellement l'objet de réformes très profondes. Actuellement, au Chili, il faut en moyenne plus de cinq ans pour obtenir une décision de justice définitive. L'exécution de ces décisions est assurée par les juges eux-mêmes et prend en moyenne deux ans. En 2005, environ un million d'affaires étaient pendantes devant les juridictions. En 2008, il y en avait environ 1.7 million. 80% des dossiers concernent l'exécution. D'où l'idée de mettre en place un système qui favorise les modes alternatifs de règlement des litiges par la négociation, la médiation et la conciliation. Parallèlement, le problème de l'exécution des décisions de justice a été pris en compte. Des représentants du ministère de la justice et des experts se sont rendus depuis 2005 dans plusieurs pays, dont le Portugal, l'Espagne, l'Angleterre et la France, pour se familiariser avec les systèmes en vigueur. « La visite en France a pour nous été la plus importante » a indiqué M. Zuniga Carrasco. Il a ensuite annoncé qu'un nouveau professionnel libéral devrait être créé, l'officier d'exécution, inspiré du modèle français, dont la mission sera d'exécuter les décisions de justice en lieu et place du juge. Il a chaleureusement remercié l'UIHJ pour son aide apportée au cours de deux dernières années dans cette tache, et plus précisément Jacques Isnard, Dominique Aribaut et Leo Netten.
Jacqueline Lohoues-Oble (Côte d'Ivoire), professeur à la faculté de droit d'Abidjan, membre du Conseil scientifique de l'UIHJ, a présenté le traité de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (Ohada) et le droit uniforme des procédures d'exécution. Le professeur Lohoues-Oble a résumé le traité de l'Ohada en ces termes : « Agir ensemble ou disparaître ». 14 Etats africains partageant un certain de nombre de points communs (la langue française, un système juridique similaire, et le franc CFA) ont décidé de fonder ensemble ce traité, signé le 17 octobre 1993 à l'Ile Maurice. Aujourd'hui, l'Ohada comporte 16 Etats membres : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. Son objectif fondamental est d'établir un programme grandiose et ambitieux, dans les grands secteurs de la vie des affaires, afin de favoriser le développement harmonieux de tous les Etats parties par une unification progressive des législations. Au titre des domaines à harmoniser figure la question qui fait l'objet du congrès : l'huissier de justice dans le droit, précise l'intervenante. Puis elle a poursuivi: « Il s'agit pour moi, juriste africaine, d'attirer l'attention de mes collègues européens, américains, asiatiques ici présents, sur un système juridique dont ils ignorent peut-être l'existence ou qu'ils connaissent très peu, et qui pourtant peut être une source appréciable d'informations pour eux, parce qu'ils peuvent être amenés à s'y référer dans la mesure où cette matière relève du droit des affaires et touche au droit des investissements. Ce droit devrait donc intéresser les investisseurs étrangers qui souhaitent commercer avec ces Etats africains. Pour une fois, l'Afrique vient proposer au monde son savoir faire ». C'est exactement ce que Jacqueline Lohoues-Oble a fait au cours d'un exposé brillant et très complet du traité de l'Ohada et de l'acte uniforme sur les procédures simplifiées de voies d'exécution, sous le double aspect de l'existence d'une norme harmonisée en matière de procédures d'exécution et de son application également harmonisée. L'oratrice a clôt son intervention en citant feu Keba M'Baye, l'un des pères du traité de l'Ohada : « Il n'y a pas en Afrique des pays riches et des pays pauvres, il n'y a que des pays qui ne pourront se développer que s'ils sont unis, et l'unité passe obligatoirement par l'intégration juridique ».
Quatre voeux et un nouveau bureau de l'UIHJ
La journée de jeudi a donné lieu à deux événements emprunts d'une grande solennité et d'une émotion toute particulière. Le Conseil scientifique de l'UIHJ était réuni au grand complet, pour introniser deux nouveaux éminents membres, les professeurs Natalie Fricero et Jacqueline Lohoues-Oble. Puis, Roger Dujardin a remis à Jacques Isnard un ouvrage réalisé dans le plus grand secret par une vingtaine d'auteurs, sous la forme d'un superbe « Liber Amicorum » de 400 pages publié par les Editions juridiques et techniques. Visiblement très ému, Jacques Isnard a fait l'objet d'une très longue « standing ovation » particulièrement émouvante qui témoignait de la reconnaissance de chacun envers l'extraordinaire travail accompli durant les quinze années qu'il a passées à la tête de l'UIHJ, menant cette organisation d'une quinzaine de membres aux quelques soixante-dix qui forment la grande famille mondiale des huissiers de justice.
Le vendredi était consacré à la ratification des nouveaux membres de l'UIHJ : la Biélorussie, la Mauritanie, l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, et la Fédération de Russie. Plusieurs confrères et consœurs ont également été solennellement remerciés pour leur investissement en faveur de la profession : Eliane Oberdeno, présidente de la Chambre nationale des huissiers de justice du Gabon, Nicola Hesslen, Mohamed Chérif, président de la Chambre nationale des huissiers de justice d'Algérie, et Jos Uitdehaag.
Puis la ville organisatrice du XXIe congrès international des huissiers de justice en 2012 a été désignée : Cape Town en Afrique du Sud.
Enfin le nouveau bureau de l'UIHJ a été élu pour l'exercice 2009-2012, comme suit :
- Président : Leo Netten (Pays-Bas)
- 1er vice-président : Bernard Menut (France)
- Vice-présidents : Roger Dujardin (Belgique) et Honoré Aggrey (Côte d'Ivoire)
- Secrétaire : Adrian Stoica (Roumanie)
- Trésorier : Dominique Aribaut-Abadie (France)
- Trésorier adjoint : Mohamed Chérif (Algérie)
- Secrétaire adjoint : Dionisios Kriaris (Grèce)
- Membres : Sue Collins (Etats-Unis), Johan Fourie (Afrique-du-Sud), Louis-Raymond Maranda (Québec)
Puis vint le temps de clore le congrès et d'entendre le rapport de synthèse de Françoise Andrieux, rapporteur général. « Au sein du droit, de l'économie, des biens, des contrats, des normes d'exécution, de l'état de droit ou de la sécurité juridique, l'huissier de justice constitue l'élément pérenne, le point d'ancrage, la liaison, le trait d'union incontournable » déclare Françoise Andrieux, pour axer son intervention autour du rôle de l'huissier de justice dans trois domaines : les modes alternatifs de règlement des conflits, la garantie des relations entre les personnes et la grande profession de l'exécution. Aux termes d'une brillante intervention, longuement saluée debout par la salle, le rapporteur général a présenté les traditionnels vœux du congrès, au nombre de quatre.
Premier vœu
L'huissier de justice devrait jouer un rôle au sein des modes alternatifs de règlement des conflits avant tout procès. Il devrait pouvoir y intervenir en tant qu'élément de contrôle, élément de médiation et de preuve notamment au travers du constat tant son impartialité est immanente à sa fonction. Il devrait pouvoir sceller l'accord intervenu entre les parties par un acte authentique privé qu'il devrait être habilité à délivrer.
Deuxième vœu
L'huissier de justice établit quotidiennement le lien entre le débiteur et le créancier. Il sait négocier les paiements et les exécutions sur les biens des débiteurs proportionnellement au montant des dettes, aux capacités de remboursement des débiteurs en maintenant l'équilibre entre les parties. Le débiteur devrait pouvoir venir déclarer auprès de l'huissier de justice les biens qui lui appartiennent et qu'ils souhaitent voir devenir « exécutables » afin de convenir avec lui de la meilleure façon d'exécuter la décision rendue.
La médiation post-judiciaire devrait pouvoir devenir le cœur de l'exécution future.
Troisième vœu
Devraient être adoptées des normes communes forgeant le droit de l'exécution destinées à faciliter la réalisation, l'efficience et l'efficacité des décisions de justice basées sur l'extraterritorialité qui ferait de l'huissier de justice le relais des titres et des mesures qui l'accompagnent.
Quatrième vœu
La grande profession de l'exécution devrait être créée, rassemblant ainsi les activités liées au champ d'activité des huissiers de justice, notamment au travers la formation au sein d'une structure commune à tous les huissiers de justice.
La soirée de gala du vendredi s'est achevée dans la liesse. Le président Isnard a été particulièrement honoré par les nombreuses délégations, tout au long de la soirée. Un diaporama retraçait sur deux écrans géants les étapes de sa présidence au travers de multiples portraits. Des cadeaux prestigieux lui ont été remis ainsi qu'à son épouse Michèle, en particulier par les délégations camerounaise et sénégalaise. A la fin du repas, une dernière surprise, musicale, lui a été réservée. Un morceau, créé pour lui, a été joué sur scène par le « UIHJ Orkestra », composé de confrères et consœurs d'une dizaine d'Etats. Un CD de l'œuvre a été également distribué au cours de la soirée, ainsi qu'un numéro spécial de la Gazette du Congrès qui lui était consacré et qui était constitué de témoignages d'une cinquantaine d'huissiers de justice et de personnalités proches.
Avec le départ de Jacques Isnard, c'est assurément une page de l'histoire de l'UIHJ qui se tourne. Sa modestie commande de ne pas en écrire davantage mais chacun sait que l'Union lui doit tout. Le président Isnard commence une retraite bien méritée. Nous lui souhaitons longue et heureuse vie. Nous savons que son cœur sera toujours auprès de l'Union et qu'il ne sera jamais très loin de nous !
Une autre aventure commence, avec un nouveau bureau, un nouveau président et de nombreux nouveaux objectifs.
Alors, depuis la baie de Marseille, bon vent à toutes et à tous et longue vie à l'UIHJ !